mercredi 30 décembre 2009

Taxe carbone: la Suède privilégie les pollueurs

Et voilà que la taxe carbone française est répudiée in extremis par le Conseil constitutionnel. Selon les juges, la contribution que le gouvernement Fillon devait mettre en place à partir du 1er janvier comporte trop d'exemptions. Une grande spécialité de la fiscalité française. Le Conseil constitutionnel a également considéré que le nouveau dispositif censé réduire les émissions de CO2 faisait la part trop belle aux industries qui en émettent le plus.

Comment la Suède, l'un des premiers pays au monde à introduire une telle taxe en 1991, avait-elle procédé?
Aucun régime d'exemptions pour les particuliers (pas plus que de chèque vert d'ailleurs): tout le monde à la même enseigne! Au départ, la taxe s'élevait à l'équivalent en couronnes suédoises de 27 euros la tonne de CO2. Contre 17 euros seulement prévus dans le projet français. Aujourd'hui, la contribution est entrée dans les moeurs, en dépit de son quadruplement (108 euros la tonne)! C'est dire si les Suédois ont l'habitude que l'Etat les taxent...
A l'époque, en 1991, il ne s'agissait pas tant de soulager la bonne conscience des pollueurs ni de réduire les émissions de CO2 que de trouver un moyen de financer une vaste réforme fiscale. Le vernis écolo n'a été appliqué que plus tard. Même si peu d'entre eux l'admettront publiquement, bon nombre de contribuables suédois ne sont pas dupes. Mais puisque c'est pour contribuer au financement des avantages sociaux dont ils sont censés tous bénéficier...

Quid des entreprises polluantes, montrées du doigt en France par le Conseil constitutionnel?
Eh bien, contrairement à ce qu'on pourrait penser à propos d'un pays perçu comme écolo devant l'éternel, ces compagnies ont eu droit à un régime de faveur. Comme je le racontais dans un reportage publié par Challenges, les plus grosses consommatrices d'énergie (usines à papier, mines, etc.) ont bénéficié dès le départ d'un rabais de 50%. Et d'un autre encore un peu plus tard, résultat d'un lobbying intense réalisé au nom de la défense de la compétitivité suédoise. Résultat: aujourd'hui encore, une bonne partie des entreprises, y compris agricoles, ne paient que 21% de la taxe carbone...
Rien de bien étonnant, en fait: en Suède, les gouvernements - y compris et surtout sociaux-démocrates! - ont toujours veillé à garantir les meilleures conditions aux grandes entreprises du royaume. Appelons ça du pragmatisme. Du moment que c'est bon pour l'économie du pays et sa balance commerciale...
Cela dit, ces abattements pour les industries vont être rognés par l'actuel gouvernement... dirigé par les conservateurs! De 21%, ils devraient passer à 60% en 2015. Non pas pour mettre entreprises et particuliers sur un pied d'égalité. Mais parce qu'il lui faut agir pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre que le pays s'est fixés. La taxe, elle, continuera à augmenter, soyons en sûr. Quelle que soit la couleur politique de l'équipe au pouvoir...

mardi 29 décembre 2009

Miniatures

Penché vers le hublot, je regarde le ciel et des fragments de territoires qui apparaissent à travers les nuages épars. A vue de nez, l'avion qui me ramène à Riga survole le Nord de l'Allemagne.
Je remarque un champ d'éoliennes.
Copenhague n'est pas loin, indissociable en cette fin d'année du sommet mondial ayant échoué à trouver une parade énergique et coordonnée au réchauffement climatique.
Je repère vite d'autres champs d'éoliennes sur tapis vert, j'en compte au moins six dans mon champ de vision. De là-haut, les turbines blanches qui luisent sous le soleil paraissent minuscules. C'est à peine si je les vois tourner. On dirait des croix de cimetières militaires.

vendredi 25 décembre 2009

Du fond des "vasières" baltes

Intéressant "voyage dans la nouvelle Europe" que nous propose Le Figaro en cette fin d'année. L'auteur admet d'emblée n'y avoir "ni repères ni souvenirs". Il revendique son droit à "plonger dans l'inconnu" pour en ramener impressions, réflexions, anecdotes, bribes d'entretiens et saynètes pêchées dans ces "sociétés d'une complication extrême". Exercice délicat, même lorsqu'on a de la bouteille dans le métier, comme c'est le cas ici présent. Mais après tout pourquoi pas?
Alors qu'a donc trouvé François Hauter au fond des "vasières noires" d'Estonie, point de départ de ses pérégrinations? Du bon et du moins bon. Le pays y est décrit à la fois comme la future "Suisse du Grand Nord" et, sur son flanc oriental, comme le reflet de "la décrépitude de la Russie des campagnes". Les habitants de Narva - quasiment tous issus de la minorité russophone d’Estonie - en prennent collectivement pour leur grade. "Leur fatalisme, leur mépris pour les autres cultures, leur passivité agressive vis-à-vis de tout changement, les encalminent dans leur cité hideuse. Ils profitent sans vergogne du confort matériel apporté par l'Estonie, et se lamentent d'avoir besoin de visas pour aller rendre visite à leurs cousins, de l'autre côté de la rivière". Le grand reporter ne fait pas dans la nuance. Il préfère les généralités ou extrapoler à partir d'un détail saisi au vol. L'exercice l'y autorise sans doute mais il atteint vite ses limites.
Les Estoniens de souche ne sont pas non plus épargnés. "Les hommes d'Estonie sont réfléchis, sérieux, ordonnés comme les arbres de leurs forêts. Les femmes sont élancées, très belles, blondes presque exclusivement, bottées haut. Pas du tout attirantes, tant elles semblent disciplinées et irréprochables. On cherche en vain un peu de fantaisie derrière ce vide. L'on se demande comment font leurs hommes pour les différencier."
Les intéressé(e)s apprécieront. Parfois le plaisir de la formule bien troussée brouille la vue. Je connais - et je ne suis pas le seul - des hommes estoniens désordonnés et peu sérieux (même si, je l'admets, ils sont rarement d'une grande jovialité...). Je compte parmi mes amis ou mes connaissances des Estoniennes aux cheveux brun ou châtain, qui plus est de petite taille. Adeptes de la fantaisie et des talons plats. Sans doute pas irréprochables en dépit des apparences - qui l'est? - et parfois fort attirantes... Autre citation relevée, qui nous ramène à Narva: "Les établissements 'Rademar' (chaînes de vêtements) attirent les élégantes du coin. Elles en sortent déguisées en pingouins ou en prostituées". Eh bien voyons.
A Riga, l'envoyé spécial du Figaro nous fait pénétrer dans l'Académie des sciences de Lettonie (photo), avec ses "murs verdâtres", sa "lueur blafarde" et "une odeur de pisse" venant des toilettes "où un camarade a volé le miroir au-dessus du lavabo d'époque". Il s'arrête dans ce qui semble être la cantine du lieu: là, "on mange tout, y compris les feuilles de la garniture de salade, et la rondelle de citron. Puis on sauce." Pas vous, François Hauter? Et l'auteur d'ajouter : "Ces gens ont eu faim." Faim de salade? Pendant l'époque soviétique, les Baltes qui l'ont vécue vous le diront, on avait moins de "chances" de mourir de faim que d'ennui. Disons plutôt qu'on crevait de ne pas pouvoir faire ni dire ce que bon vous semblait.
Ces trois étapes dans la "nouvelle Europe" publiées à ce jour restent plutôt plaisantes à lire. L'auteur - ex-correspondant du Figaro à Washington et Pékin, entre autres, et lauréat du prix Albert Londres, ne l'oublions pas - connaît toutes les ficelles du métier. Le sens de la formule fait souvent mouche ("Riga sent le tabac froid du communisme"). La problématique de la mémoire et des différentes interprétations de l'histoire est clairement posée (même si on hausse le sourcil en découvrant que les Lettons "sont des Germaniques"). Hélas, il émane de cette mini-série sur les pays baltes un dédain plus ou moins prononcé. Tant vis-à-vis des Baltes de souche que de leurs minorités russophones et de la Russie. Attendons de voir ce que nous réserve la suite.

mardi 22 décembre 2009

Quand souffle le Mistral

Comme je l'indiquais dans L'Express, le ministre français de la défense est attendu de pied ferme en Lituanie. Hervé Morin aura fort à faire pour calmer les inquiétudes de ses interlocuteurs, au moment où Paris envisage très sérieusement de vendre à la Russie un ou plusieurs porte-hélicoptères. Ce navire n'est pas un vieux rafiot amianté dont la France veut se débarrasser en le refourguant en catimini à un lointain pays en voie de développement. Ce bâtiment ultra-moderne, dit de classe Mistral, est un fleuron de la Marine nationale, dixit Le Figaro.
D'où le malaise suscité par cette nouvelle à Vilnius, mais aussi dans les autres capitales baltes. L'idée de voir l'imprévisible voisin russe doté d'un jouet de ce tonneau en mer Baltique n'amuse guère les Baltes, pas plus que les Polonais. Ni les Géorgiens, d'ailleurs, côté mer Noire. On peut les comprendre, au moment où le Kremlin remobilise la nation russe autour d'un discours nationaliste et remuscle les capacités militaires de son armée.
On peut aussi légitimement douter de l'intérêt que représente pour Paris la possible vente d'un tel navire à Moscou. Certes, ça ferait du bien à la balance commerciale française... Mais si cette transaction était menée à bon port, le capital confiance à l'égard de notre beau pays en prendrait un nouveau coup dans la région. Mais aussi parmi ses alliés traditionnels.
Car jamais jusqu'à présent un Etat membre de l'Otan n'a vendu du matériel militaire de cet acabit à la Russie.
Faut-il vraiment que Paris montre la voie? Pourquoi procurer un outil supplémentaire à Moscou qui l'aiderait à mener une politique perçue comme agressive et aventuriste par des pays appartenant à la même alliance militaire que la France? Une politique russe dont le président Sarkozy a d'ailleurs pu juger de la redoutable efficacité lors de sa médiation visant à arrêter les combats entre la Géorgie et la Russie.
Il est vrai que c'était à l'été 2008, il y a une éternité.