Mon attention a été attirée sur cette bizarrerie par un tweet posté hier (jeudi 24 septembre) par Alistair Doyle, journaliste au bureau d'Oslo de l'agence de presse Reuters.
Amid #NobelPeacePrize furor, this @NobelPrize site oddly forgets #Jagland from the committee http://t.co/esoxngjGD1 pic.twitter.com/GgXAZ1QR8u
— alister doyle (@alisterdoyle) 24 Septembre 2015
Une personne distraite (un webmaster, une secrétaire? à Stockholm, à Oslo?) aurait-elle pu zapper de la sorte un des membres du quintette norvégien? C'est possible mais, tout de même, il y a de quoi s'interroger... D'autant que la page Internet en question n'a pas encore été modifiée à l'heure où je publie ce message (vendredi 25 septembre à 11h30 heure scandinave). Et que l'oubli frappe celui des membres -- ex-Premier ministre, ex-ministre des Affaires étrangères et ex-président du Parlement norvégien, tout de même -- qui a été le plus fustigé, dans son pays et ailleurs, pour certaines décisions du Comité Nobel prises durant sa présidence.
Celle-ci a commencé en fanfare avec l'attribution du prix à Barack Obama (2009), moins d'un an après son entrée à la Maison-Blanche. En 2012, le choix de l'UE a également été contesté en période de doutes grandissants quant à ses objectifs et à son avenir. Pour des raisons différentes, l'attribution du prix au dissident chinois emprisonné Liu Xiaobo (2010) a également suscité une grosse controverse, comme je le rappelle dans mon livre (Histoire du Prix Nobel). Pékin, très remonté contre un Comité qui avait osé ne pas tenir compte de ses avertissements avant l'annonce du prix, a fait payer les autorités et les entreprises norvégiennes pour cet affront. Cela s'est traduit notamment par des pertes de marché pour les businessmen du royaume scandinave.
Le 3 mars dernier, surprise, Thorbjørn Jagland était rétrogradé au sein du Comité, passant du rang de président à celui de simple membre. Un fait inhabituel qui avait fait couler pas mal d'encre à Oslo. D'ordinaire, un président du Comité peut rester à son poste aussi longtemps qu'il le souhaite. Or l'intéressé, également Secrétaire général du Conseil de l'Europe, avait fait savoir qu'il aurait aimé rempiler.
Il n'en fallait pas plus pour alimenter les spéculations quant aux raisons exactes de cette rétrogradation. Certains (comme évoqué dans cet article que j'avais alors écrit dans le journal La Croix) y ont vu un geste politique destiné à amadouer le régime chinois et favoriser la reprise des échanges commerciaux (les Chinois raffolent du saumon...).
Le Comité avait fait le dos rond.
Et voilà que, à deux semaines de l'annonce du Nobel de la paix 2015, Thorbjørn Jagland -- désormais en bisbille avec l'ancien secrétaire du Comité Nobel, Geir Lundestad, qui l'a vertement critiqué dans un livre de souvenirs tout frais -- disparaît par enchantement de la page Internet présentant les membres du Comité (mais pas d'une autre, ce qui semble exclure une disgrâce totale, ouf...). Suspense insoutenable. Je reviendrai sur le sujet lorsque ce mystère aura été élucidé.
Il est temps, après la kremlinologie, de lancer une nouvelle discipline, la nobelologie!
P. S. [ajouté le 26 septembre]: En fait de disgrâce, si l'on peut employer ce terme, c'est plutôt Geir Lundestad qui risque de tomber dedans... Son dernier livre, Secrétaire de la paix, 25 ans avec les prix Nobel (encore non-traduit du norvégien), lui a valu un accueil plus que glacial des membres du Comité Nobel qu'il côtoyait à chacune de leurs réunions, en tant que secrétaire dudit comité. A côté de la tempête (dans un verre d'Oslo) que le livre est en train de provoquer, la disparition de Jagland d'une simple page Internet - encore d'actualité ce jour - n'est qu'une vaguelette. J'espère avoir le temps d'y revenir d'ici peu sur ce blog.
P. S. 2 [ajouté le 9 octobre]: En ce jour d'attribution du prix Nobel de la paix 2015, je constate que le nom de Jagland est réapparu sur la page Internet en question. L'honneur est sauf!