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jeudi 10 mai 2012

Cabotage


Mission accomplie, contrat rempli pour un projet de livre dont je reparlerai plus tard: ma pause sans blog peut donc s'interrompre. La reprise sera-t-elle molle ou intense, le rythme lambin ou effréné? Mystère. Cela dépendra de la densité du printemps et de l'été à venir, du nombre de visites que l'on viendra gentiment me rendre, du bon vouloir de rédactions, de mon inspiration du moment et de tant d'autres éléments plus ou moins prévisibles...
C'est reparti! 




Hambourg-Kirkenes, plus de 2200 kilomètres à vol de goéland argenté. Un bon gros millier de milles marins à remonter jusqu'au-delà du cercle arctique. C'est la distance qu'il faut à Petersen, le capitaine du Polarlys (aurore boréale, en norvégien), pour démêler les fils d'une intrigue qui se déroule à huis clos, à bord du bateau à vapeur qu'il commande. Une histoire louche, la mort d'une jeune femme, piquée à la morphine lors d'une orgie du côté de Montparnasse, doublée d'un meurtre, dans une cabine du navire, d'un policier allemand monté à bord in extremis, avant le départ de Hambourg par une après-midi de février.

Les amateurs de Georges Simenon ont sans doute reconnu la trame de l'un des premiers livres signés de son vrai nom par celui qui n'est alors qu'un jeune graphomane méconnu. Lorque Le passager du Polarlys paraît chez Fayard en 1932, le commissaire Maigret n'a encore qu'une affaire à son actif, celle résolue dans Pietr le Letton, publié un an plus tôt. Ne serait-ce que pour leurs titres, voilà deux romans qui ont aisément leur place dans ce blog nordico-balte. Même si de Lettonie il ne sera finalement que très peu question: étrangement, Pietr a pour patronyme Johannson (sic) et son frère jumeau, Hans, est un "sujet estonien", pour citer le rapport rédigé in fine par Maigret lors d'une enquête qui le mène... à Fécamp.
 
Dans Le passager du Polarlys, en revanche, on en a pour son argent en termes de dépaysement et de frimas nordiques. Pour 3,50 francs (prix initial de mon édition de poche publiée en 1965, acquise pour 50 centimes d'euro lors d'une braderie), le lecteur a droit à toute la gamme chromatique de la mer et du littoral norvégien, lorsque la brume daigne s'étioler. Avec l'officier de quart, il se prend des "paquets de mer" sur le dos et passe par tous les états de transe glaciale. Gare aux engelures!
Simenon ne fait pas dans la dentelle lorsqu'il oppose la pollution de la populeuse cité hanséatique à la pureté et au dénuement des côtes norvégiennes. Hambourg? "Un brouillard exceptionnel, jaune et gris, chargé de suie, crachotant une humidité glacée, pesait sur le port (...) Toutes les sirènes hurlaient à la fois, en une cacophonie qui couvrait le grincement des grues". Tandis qu'au-delà du port norvégien de Trondheim, les "routes n'existent plus et il est encore moins question de chemins de fer. Ce sont les vapeurs côtiers, dans le genre du Polarlys, qui doivent assurer toutes les communications, les relations postales et le transport des vivres" entre villages isolés. Celui que commande Petersen "n'avait rien de prestigieux. C'était un vapeur d'un millier de tonneaux, sentant la morue, le pont toujours encombré de fret".

De nos jours, si des routes en bitume ont été tirées le long du littoral déchiqueté et des tunnels creusés pour relier les fjords, si l'avion sert aux plus pressés, les navires côtiers continuent à jouer un rôle important dans l'acheminement de personnes et de biens. Le trajet est désormais assuré par les express côtiers de la fameuse compagnie Hurtigruten (voir ici leur emplacement au moment présent). Une douzaine de bâtiments aux noms fleurant bon le Septentrion... MS Nordstjernen, MS Trollfjord, MS Nordlys, MS Midnatsol, MS Nordkapp, etc. Il y a même un MS Polarlys, successeur de celui  dont s'est inspiré Simenon (photo).
Car, d'après ce que j'ai lu ici et , durant l'hiver 1929- 1930, le romancier a emprun- té l'un de ces vapeurs entre les ports de Bergen et de Kirkenes, alors gros bourg bâti dans l'extrême Nord norvégien, à la frontière avec la Finlande, non loin de Mourmansk la Soviétique. Le bateau était-il commandé par un capitaine ressemblant à celui du roman, Petersen, "petit homme énergique, trapu, costaud"? A suivre les réflexions de ce personnage, on se demande parfois si l'on n'a pas à faire à un double de Maigret, marié mais peu présent au foyer pour raison professionnelle, bourru sur les bords.
"Jamais Petersen n'avait été aussi mécontent de lui-même, aussi dérouté, et pourtant il. n'eût pas pu dire pourquoi. Cela ressemblait aux cauchemars imprécis qu'on fait certaines nuits d'indigestion."
En tout cas, Simenon a su capter ce qui constitue, à mon avis, l'un des traits caractéristiques des habitants du royaume. "En bon Norvégien de classe moyenne, écrit-il à propos du capitaine, il préférait ignorer les situations équivoques qui existent fatalement de par le monde".

mardi 15 novembre 2011

Epaves de la Baltique (1): le Mars et Svärdet

Pas de blog intitulé Nordiques & Baltes sans histoires sur ce qui les sépare ou les relie: la Baltique. Elle a beau être un espace clos sans aucune marée perceptible à l'oeil nu, c'est une vraie mer avec ses îles, ses marins et ses tempêtes. Source d'inspiration et théâtre de batailles d'antan. Paradis des chasseurs de trésors et d'épaves.
De temps à autre, j'évoquerai sur ce blog le sort de certains navires disparus au large il y a des siècles et localisés, parfois renfloués dans de bonnes conditions grâce aux technologies du moment. Ayant eu l'occasion d'écrire sur le sujet, je puiserai dans mes articles déjà parus - vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, pour ce procédé.

Pour commencer, je profite de la tenue d'une conférence de presse, ce mercredi 16 novembre à Stockholm, pour vous parler du Mars et de Svärdet (le Sabre), dont il va être question dans la capitale suédoise. Ce sont les derniers en date des navires "historiques" suédois à avoir été découverts (l'été dernier) au fond de la Baltique. Et quels navires! Environ 800 hommes d'équipage, plus de cent canons en bronze pour le Mars (coulé en 1564), quelque 650 hommes et 86 canons pour Svärdet (sabordé en 1576).

Des vidéos des épaves sont visibles ici pour le Mars et là pour Svärdet, sur le site de Deep Sea Productions, une boite de production télé suédoise. On n'y voit pas bien loin mais ce type d'images sont toujours prenantes.

Les organisateurs de la conférence de presse de mercredi doivent donner des détails sur Svärdet et confirmer ce qui avait été annoncé à propos du Mars au mois d'août 2011. J'avais alors rédigé une dépêche pour l'AFP à Stockholm sur la base des informations disponibles (dépêche reprise ici par le site de L'Express et ici - English version). Je vous la livre telle quelle, en attendant peut-être une mise à jour et plus d'informations concernant le Svärdet, dont les dernières heures sont relatées ici (en anglais).

Découverte d'une épave du XVIe siècle en mer Baltique

STOCKHOLM, 19 août 2011 (AFP) - Un bâtiment de guerre suédois, selon toute vraisemblance le Mars, le navire-amiral de la flotte du roi Erik XIV ayant coulé en 1564 en mer Baltique, a été découvert au large du littoral suédois, a annoncé vendredi le musée de l'histoire maritime de Stockholm.
Après plusieurs années de recherche, une équipe de plongeurs a découvert cette épave par 75 mètres de fond, dix milles nautiques (18,5 km) au nord de l'île suédoise d'Öland, a précisé le musée dans un communiqué.

"Tout semble indiquer que c'est bien le Mars que nous avons trouvé. Tant la taille du navire que son âge correspondent", selon l'un des plongeurs, Richard Lundgren, cité dans le communiqué. Une gerbe de blé, symbole de la royauté suédoise de l'époque, a été retrouvée gravée sur un canon (ce symbole se trouvait aussi sur le Vasa, photo prise dans le musée qui lui est consacré à Stockholm).

"C'est une épave que nous avons attendue longtemps", a commenté Andréas Olsson, le chef du département archéologique du musée, quasi-persuadé que le navire découvert est bien le Mars, qualifié de "mythique" par le musée.
"L'épave sera importante pour la recherche, a-t-il ajouté. Nous allons enfin pouvoir comparer" ce bâtiment avec deux autres navires d'importance historique significative, le suédois Vasa (coulé en 1628 et renfloué en 1961) et le britannique Marie Rose (coulé en 1545 et renfloué en 1982).

Equipé de 107 canons, le Mars était, avec ses quelque 800 hommes d'équipage, l'un des plus gros navires de son temps et le plus gros à croiser en mer Baltique. Un an après sa mise à l'eau, il avait coulé en mai 1564 au cours d'une bataille de grande ampleur contre une flotte armée par le Danemark et la ville hanséatique de Lübeck.
Encerclé par des adversaires, le navire commandé par l'amiral Jakob Bagge avait pris feu puis coulé après l'explosion de ses réserves de poudre.

Près de 450 ans plus tard, le navire qui a été retrouvé - bâti en chêne et d'une taille plus grande que le Vasa, dont le musée est le plus visité d'Europe du nord - repose sur son bâbord avec un gros trou sur l'autre flanc. "Il semble bien conservé" étant donné les circonstances, a précisé M. Olsson à la presse.
La préfecture de Kalmar (sud-ouest) a décidé d'interdire la plongée et la pêche dans la zone de la découverte, tandis qu'archéologues et plongeurs continuent leurs travaux.


Voilà pour la dépêche. Le style, je vous l'accorde, est un peu sec mais c'est la loi du genre. Et puis ce n'est pas plus mal pour une histoire d'épave perdue en mer.