mardi 6 avril 2010

Histoire d'oeufs à la mode lettone

Que fait-on à Pâques en Lettonie, après un long hiver comme celui qui vient de s'achever? Pour peu que l'on se trouve dans une famille catholique (le degré de croyance importe peu), on commence, la veille au soir, par décorer des oeufs frais par dizaines. Fragments de fougères et autres bribes végétales sont appliqués sur la coquille de l'oeuf pour laisser leurs empreintes. Le tout est recouvert d'un morceau de bas découpé aux ciseaux et maintenu autour de l'ovale par du fil à coudre. Ou bien l'on dessine des motifs à même la coquille avec le cul d'une bougie.
On plonge les oeufs dans deux grandes casseroles d'eau. Dans l'une baignent des peaux d'oignon frais pour donner à la coquille une couleur chaude et dorée. Dans l'autre, des mûres ramassées l'été précédent: effet mauve garanti. Quelques minutes plus tard, on défait la gangue de tissu pour découvrir les motifs imagés laissés par les fibres naturelles. Un léger badigeonnage à l'huile et le tour est joué.
Le lendemain, dégustation des oeufs en famille, au petit-déjeuner (au retour de la messe pour les pratiquants) et à chaque repas de la journée... Salades composées généreusement arrosées de mayonnaise, tranches de viandes diverses servies froides et gâteaux à base de fromage blanc caillé suffisent à caler les estomacs pour quelques bonnes heures.
Entre deux repas, une balade à pied ou en vélo s'impose. Quoi de plus tentant que d'aller constater le niveau particulièrement élevé de la rivière du coin? La neige si abondante cette année a fondu, faisant déborder le moindre cours d'eau du pays.
Chacun y va de son souvenir de la dernière crue. On constate que les cigognes sont de retour, déjà.
Retour à la maison sous un soleil printanier. Le moment idéal pour jouer à la pétanque lettone! Avec quoi? Des oeufs durs décorés, bien sûr, et une planche de bois en V. Dans une partie d'olu ripināšana (glissade d'oeufs), chacun cherche à faire rouler sa seule et unique "boule" le plus loin possible sur l'herbe. Ou bien à heurter l'oeuf du voisin, les règles ne sont pas importantes et la filouterie tolérée, voire appréciée...
Entre deux arbres, petit tour sur la balançoire ressortie au préalable de son abris hivernal. Tout en reprenant une lampée d'eau de bouleau (cet arbre en regorge cette année), on panse les plaies de l'hiver...
Puis on papote ici et là, selon affinités. La bière commence à couler. A flots très réduits en ce qui concerne la famille qui m'accueillait. Le cognac fait toutefois son apparition au dîner, composé des restes et de brochettes de poulet grillé à la braise. On le déguste tassé à une douzaine sous la gloriette rouverte pour l'occasion.
La fraîcheur tombe avec la nuit. C'est l'heure de se retrouver près de la cheminée pour continuer à échanger les nouvelles, tout en jetant un oeil à une mauvaise série télévisée. On s'endormira en comptant les oeufs passer.

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