vendredi 30 septembre 2011
Quel lapin sortira du chapeau Nobel?
Sauf à vouloir descendre de son piédestal pour devenir avant tout une instance politique au message moralisateur, il sera difficile au Comité Nobel de continuer éternellement sur cette lancée. Une récente discussion avec le secrétaire du Comité Nobel, Geir Lundestad, me laisse entendre que le profil du ou de la lauréate 2011 sera plus consensuel, moins exposé à la polémique.
"Il y a beaucoup de chemins qui mènent à la paix. Il est évident que cette année, le prix sera d'un autre genre que les précédents", me disait Geir Lundestad, rencontré le 2 septembre pour un article à paraître la semaine prochaine dans le magazine Challenges.
Cette demi-confidence survenait quelques jours après une réunion des cinq membres du Comité norvégien, à laquelle il avait assisté en tant que secrétaire de cette instance indépendante, poste qu'il occupe depuis 1990.
Et Lundestad (à gauche) d'ajouter: "Ce n'est pas parce que certains prix à venir auront un profil moins haut qu'il faudra considérer que nous regrettons celui que nous avons donné l'an dernier à Liu Xiabo". Sous-entendu: les critiques et les appels au boycottage de la cérémonie du prix 2010 par Pékin n'ont en rien ébranlé les convictions du Comité Nobel, mais chaque prix ne sera pas aussi explosif.
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Certains journalistes scandinaves croisés en septembre à Oslo sont, eux, convaincus que le Comité Nobel réserve encore une surprise détonante pour la cuvée 2011. Telle serait la volonté du président du Comité, Thorbjørn Jagland. A en croire mes confrères, cet ancien premier ministre est avide de publicité et prêt à beaucoup de choses pour que le monde entier parle à nouveau du lapin sorti du chapeau norvégien. Quoi de plus efficace alors qu'un prix poil à gratter qui exaspère tel ou tel puissant de ce monde ?
Les propos tenus par Geir Lundestad m'incitent toutefois à croire qu'un nouvel éclat polémique n'est pas à attendre cette année. Mais peut-être me suis-je fait rouler dans la farine... Peut-être Geir Lundestad a-t-il pris ses désirs pour des réalités? Peut-être Thorbjørn Jagland a-t-il réussi entre-temps à imposer ses vues auprès des quatre autres membres du Comité (quatre femmes, soit dit en passant, élues comme lui par le Parlement norvégien).
Les entretiens accordés ces derniers jours par Thorbjørn Jagland à des agences de presse internationales n'ont guère éclairé ma lanterne. A l'AFP qui lui demandait avec insistance si le "printemps arabe" serait distingué, comme le supputent plus d'un expert, il a refusé tout commentaire sur ce point précis. Un tel choix paraîtrait assez logique si l'on s'en tient aux principaux développements survenus récemment sur la scène internationale. Rappelons que, dans son testament rédigé en 1895, Alfred Nobel avait souhaité que les futurs prix soient décernés à des personnalités ayant oeuvré pour le bien de l'humanité au cours de l'année écoulée.
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Cela dit, le Comité Nobel a déjà montré par le passé qu'il pouvait aussi décerner son prix à des personnalités ou à des organisations ayant accompli un travail de longue haleine, et pas forcément sous les projecteurs. Et puis quelle personnalité choisir dans le monde arabe en ébullition? Encore faudrait-il trouver quelqu'un(e), ou une organisation, qui symbolise suffisamment les avancées en cours, et si possible sans casseroles pour ternir sa réputation. Certains experts, habitués des devinettes d'avant-prix Nobel, se risquent à quelques pronostics ici ou là.
Pour éviter les querelles sur l'identité du "meilleur" champion du printemps arabe, pourquoi ne pas distinguer une autre partie du globe cette année, quitte à le retenir une fois qu'on y verra un peu plus clair dans les mêlées égyptienne, tunisienne, libyenne, etc.? En contrepartie, l'Académie suédoise pourrait dès maintenant accorder le prix de littérature à un écrivain arabe. Seul l'Egyptien Naguib Mafouz a eu cet honneur (en 1988). Cet automne, raconte The Guardian, le Libanais Adonis tiendrait la corde parmi les parieurs.
Réponse la semaine prochaine...
N. B. (le 12 octobre): le lapin est en fait une lapine, ou plutôt trois... Deux Libériennes (la présidente Ellen Johnson Sirleaf et la militante pacifiste Leymah Gbowee) et une Yéménite (la journaliste et activiste Tawakkul Karman) pour leurs efforts en vue de promouvoir et de faire respecter les droits des femmes dans des régions où ils sont encore bafoués.
Geir Lundestad avait donc dit vrai: le cru 2011 est nettement plus apte à faire l'unanimité que les précédents, même si certains se sont étonnés que le prix ait été accordé à la présidente libérienne à quelques jours du 1er tour de l'élection présidentielle dans son pays, elle qui remettait en jeu son mandat (la voici en train de voter - vidéo AFP).
Depuis la publication de ce billet, l'article que je préparais pour Challenges est paru.
lundi 19 septembre 2011
Lettonie: pourquoi le parti des russophones arrive en tête
Il serait tentant de commencer par esquisser les retombées des élections sur les relations entre la Lettonie avec d'un côté la Russie, de l'autre l'Ouest (pour faire vite). Mais il ne me paraît pas inutile de revenir avant sur quelques faits pour expliquer les résultats de samedi.
Cela s'explique notamment par la quasi disparition de l'autre parti de la minorité, le PCTVL, qui est passé entre-temps de 1,43% à 0,78% des voix. Le Centre de l'harmonie a également profité d'une légère baisse du taux de participation (60,5% contre 63% il y a un an), qui a semble-t-il surtout affecté les partis "lettons".
En dépit de cette virginité, il ne semble pas que ce parti ait grignoté sur l'électorat "letton-letton". Dans ce pays, on continue à voter pour son camp ethnique, comme par réflexe. Il y a encore trop de mauvais souvenirs, trop de points de discorde, de ressentiments pour qu'il en soit autrement. En d'autres mots, il est encore trop tôt.
Seuls L'Union des verts et des paysans (ZZS, 12,2% des voix) de l'un des trois oligarques lettons et, peut-être, le nouveau parti de Valdis Zatlers (20,8%) seraient prêts à collaborer avec lui au sein d'une coalition gouvernementale. Mais cela paraît d'autant moins réaliste que le rapport des forces actuel penche trop en faveur du parti russophone. A moins que celui-ci ne réclame moins de ministères qu'il serait en droit d'obtenir et ne se contente que de portefeuilles non-stratégiques. A suivre donc.
Le 1er, qui est majoritaire dans le pays, n’a aucune envie de tourner le dos à l’Europe, même s’il peut regretter le peu d’investissements de pays de l’UE (hormis les nordiques) dans une économie locale qui en aurait grand besoin. Ce qui n’empêche pas certains Lettons de souche à la vue basse de vouloir gagner plus d’argent en développant le business avec des entreprises russes, au risque d’accroître la dépendance du pays vis-à-vis du grand voisin.