Les prix
Nobel, ce sujet obligé qui tombe chaque année, aussi sûrement que l’automne sur la Scandinavie au
moment où ils sont annoncés (en octobre) et l’hiver lorsqu’ils sont remis en
grande pompe (le 10 décembre). Un beau
"marronnier", comme on dit dans le jargon des médias, pour les journalistes en poste en Europe du Nord et ceux
des rubriques sciences, littérature ou politique étrangère.
Les prix
Nobel, des choix parfois étranges, souvent inattendus et qu'il est de bon ton,
ici et là, de moquer. Des distinctions qui ne méritent pas pour autant l'importance
que certains leur accordent.
Alors
pourquoi en parler?
Parce que
précisément ces prix font causer, surprennent, suscitent l'enthousiasme, le
scepticisme ou les protestations. Aucune autre récompense du genre ne fait
autant couler d'encre au niveau mondial. Comment est-ce possible? Pourquoi ces
prix-là et pas d'autres? Comment la sauce Nobel a-t-elle pris?
Ce sont là
quelques-unes des questions qui m'ont poussé à imaginer la rédaction d'un
livre sur le sujet. Ayant eu l'occasion, depuis 1994, de répercuter et expliquer les choix
des institutions décernant les différents prix Nobel, et les réactions qu'ils
n'ont pas manqué de provoquer, je me suis mis à observer de plus près les mécanismes
de ce phénomène unique en son genre.
Puis, après
avoir trouvé un éditeur intéressé par mon projet, François Bourin, j'ai
entrepris de décortiquer ladite mécanique. Pour ce faire, je suis remonté aux origines avec l'idée de trouver les raisons qui ont incité le Suédois AlfredNobel à consacrer, à titre posthume, le plus gros de sa fortune - l'une des
plus rebondies de l'Europe de la fin du 19e siècle - à une initiative inédite
et très ambitieuse pour l'époque: celle consistant à récompenser les meilleurs,
quelle que soit leur nationalité, dans cinq domaines, littérature, physique, chimie,
médecine (ou physiologie) et la paix.
La paix? Tiens, pourquoi? Et pourquoi confier le soin d'accorder ce prix non pas à des
Suédois (comme pour les autres prix) mais à un comité nommé par le parlement norvégien? Comment celui-ci s'est-il acquitté d'une tâche a priori peu aisée?
N'était-il pas trop lié aux dirigeants politiques norvégiens, voire à ceux d'autres pays? S'est-il défait
de cette proximité? A quel prix, avec quels résultats?
Et comment
se fait-il qu'on parle aussi d'un Nobel d'économie, alors que l'inventeur de la dynamite ne l'avait pas prévu dans son testament? Comment ce prix-là a-t-il
pu se greffer sur les autres (en 1968), est-il aussi légitime qu'eux?
Pour chacun
des prix de la galaxie Nobel, je raconte dans ce livre (à paraître le 20 septembre en France) comment le facteur humain a finalement joué un grand rôle
dans l'attribution de ces fameuses récompenses. La part du subjectif, voire de
l'affectif, est plus déterminante qu'il n'y paraît. Derrière les longues listes de
lauréats (853 à ce jour!) se dessinent des liens, indétectables pour le public non-averti, entre
certains de ces heureux élus et les personnes qui les ont distingués. On décèle aussi des phénomènes de mode, des influences dues
au contexte mondial (fin de la domination de l'Europe, montée en puissance des
Etats-Unis, Guerre froide, émergence de nouvelles grandes puissances et de
continents, etc.).
Et puis, à
ma grande surprise, j'ai retrouvé des traces de lobbying dès les toutes
premières éditions des prix (la première remonte à 1901). Leur réputation
s'affirmant avec le temps, les Nobel ont suscité de plus en plus de convoitises et donné lieu
à des manœuvres souvent cousues de fil blanc en vue de décrocher la médaille en or et
le chèque très confortable qui les accompagnent.
C'est l’un des autres fils
rouges de ce livre.
Prochain
billet: la méthode et les sources utilisées pour ce livre.
Excellent! Nous chercheurs, journalistes, public curieux, l'attendions depuis si longtemps ce bouquin! Bravo Antoine, continuez à nous informer. Gaël Boris.
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