Certains "sont" Renault, d'autres "sont" Mercedes ou Alfa-Roméo. Nous, dans la famille, nous avons toujours été Volvo. C'était comme ça. Du moins jusqu'où remontent mes souvenirs fiables (auparavant, il y avait eu quelques Peugeot mais je les visualise mal).
Ce choix automobile, mon père l'avait mûrement réfléchi.
"Le point fort de Volvo, c'est la sécurité", nous disait-il au volant de sa 240 ou de sa 760. Et nous, nous l'écoutions avec la certitude qu'il savait de quoi il en retournait, lui qui n'avait jamais eu d'accident de la route, hormis une malheureuse rencontre avec une biche surgi des bois.
Et il est vrai que les tanks Volvo, avec leurs pare-chocs rembourrés et leur capots interminables, paraissaient armés pour résister à tous les carambolages. Le constructeur suédois en avait fait son argument de vente n°1. Les journaux spécialisés le relayaient volontiers sur le mode
"voiture un peu lourde et tristounette mais ô combien sûre et résistante". A l'image du jeu de Björn Borg, que j'admirais contre toute logique (celui de McEnroe ou de Connors était tout de même plus flamboyant!).
De quoi séduire les pères de famille responsables comme le mien qui, de plus, j'en suis sûr, éprouvait un certain plaisir à acheter suédois, en souvenir de deux périples de jeunesse entrepris au pays des belles blondes à la fin des années 1940.
Tout cela, c'était avant les déconvenues qui ont brouillé l'image de Volvo.
Il y eut d'abord le mariage avec Renault, partenaire
"peu fiable" raillé en Suède par les médias et l'opinion publique. Cet amour couvé d'un peu trop près par le ministère français de l'industrie ne dura qu'un été, ou à peine plus.
Puis il y eut le rachat de Volvo par le géant Ford. Soit la fin du rêve automobile suédois, d'autant que Saab, elle, était passée sous la coupe de General Motors. Mais bon, les Etats-Unis, on aime bien en Suède, on admire même. Alors, se disait-on, autant tomber dans l'escarcelle de l'oncle Sam plutôt que dans le panier percé d'Astérix.
Hélas, même les Américains ne tiennent pas nécessairement parole. Aussi Ford, en pleine déconfiture, décida-t-elle de se délester de la marque suédoise. Laquelle vient d'être rachetée, signe des temps, par un constructeur... chinois, bien sûr.
Dans quel état Ford a-t-elle laissé Volvo à Geely, son nouveau propriétaire? La fierté de mon père est-elle encore digne d'une réputation que, malgré ces bouleversements, des ingénieurs suédois s'échinent à perpétrer?
La réponse est oui, à en croire la campagne publicitaire imaginée par la firme de Göteborg pour lancer une nouvelle version de son modèle S60. Laquelle campagne devrait mettre l'accent non pas sur le conducteur, mais sur le piéton. Tiens, c'est original pour une voiture.
"Nous sommes les premiers au monde à sortir une voiture dotée d'yeux et qui freine dès qu'elle perçoit un risque de collision avec un piéton, racontait en mars le porte-parole du groupe, Bo Larsen, cité par la revue
Résumé (
texte en suédois).
C'est une fonction importante qui participe de notre objectif: en 2020, plus personne ne sera tué dans ou par une Volvo."Voilà qui part d'un bon sentiment! Mon père, s'il pouvait encore conduire, aurait apprécié.
La presse internationale fut donc conviée, le 6 mai, pour assister au petit miracle de la S60: la détection automatique de piétons ou d'obstacles, permettant à une voiture roulant à 35 km/h de piler à temps, sans même que le conducteur n'appuie sur les freins. Et voilà le résultat:
Avouez que ce n'est pas de chance. Volvo assure que les précédents tests réalisés par dizaines sur ce modèle de pré-série avaient donné satisfaction. A priori, on veut bien la croire, sinon elle n'aurait pas invité 120 journalistes spécialisés pour l'occasion. Gageons que cette erreur de jeunesse sera corrigée. Mais je ne peux m'empêcher, pour la route, de vous proposer une dernière vidéo, un peu plus explicative (en suédois), sur les tenants et les emboutissants de cette affaire...