La saga Olkiluoto 3 continue. Le réacteur nucléaire civil que construit le groupe français Areva dans le sud-ouest de la Finlande connaît un nouveau retard. Les travaux sur le site "n'ont pas progressé comme prévu durant le printemps 2010". C'est le client d'Areva, la compagnie énergétique finlandaise TVO, qui l'a indiqué fin mai. Le message est destiné à Nord Pool, le marché nordique de l'électricité. TVO avertit: ne comptez pas sur la mise en route du réacteur en juin 2012, la date avancée en octobre dernier. Ce petit air est désormais bien connu. L'entrée en fonction de la centrale avait été initialement annoncée pour... le printemps 2009.
Le report des travaux ne me dérange nullement, bien au contraire. Puisque le réacteur est en cours de construction (depuis 2005), autant que le boulot soit irréprochable. S'il faut mettre quelques mois, voire quelques années, de plus que prévu, soit! Areva explique que le réacteur bâti à Olkiluoto (de type EPR) est le premier du genre et qu'un retard est donc inévitable. Admettons. L'argument a d'ailleurs été validé par l'Autorité finlandaise de sûreté nucléaire (STUK).
Plus dérangeantes, à mon avis, sont les informations que j'avais recueillies en Finlande quant aux conditions de travail sur le chantier et aux divers problèmes rencontrés au fil de l'avancement des travaux. Un des exemples les plus frappants, mentionné dans une enquête à laquelle j'avais contribué pour l'hebdomadaire Challenges (publiée le 7 janvier dernier), concernent les soudures.
"Dans bien des cas, les soudeurs n'avaient jamais lu les instructions avant de commencer le travail, m'avait déclaré Tapio Kettunen, coordinateur des soudures à Olkiluoto pour Bouygues Travaux publics (de 2005 à 2007). J'ai vu des soudeurs utiliser des températures trop élevées. Cela peut endommager la solidité de la soudure. Quand des inspecteurs français sont venus vérifier la qualité des soudures, en particulier sur la coque d'acier qui entoure le réacteur, j'ai dit que je n'étais pas satisfait et j'ai refusé de signer les papiers qu'ils me tendaient. Quelqu'un a signé pour moi."
Outré, Tapio Kettunen démissionna. Chez Bouygues, on rétorqua n'avoir "jamais reçu de remarques" au sujet de la qualité des soudures réalisées sur le chantier. Toutefois, sans nommer cette entreprise, STUK corrobora en partie ces allégations dans un rapport complet publié en juillet 2006, notamment quant à la formation insuffisante des soudeurs. Elément aggravant selon le gendarme du nucléaire finlandais: c'est lui qui avait constaté ces déficiences, et non les inspecteurs d’Areva ni de TVO qui, en l'occurrence, avaient failli.
La leçon a-t-elle été retenue par le maître d’œuvre, Areva? Visiblement non, puisque STUK détecta un nouveau problème de soudures en octobre 2009. Cette fois-ci, sur les tuyaux du système de refroidissement du réacteur. Un soudeur travaillait sans les instructions nécessaires. "C’est étrange que ce genre de choses se produisent", m'avait confié Petteri Tiippana, directeur pour la régulation des réacteurs nucléaires à STUK. Lequel avait fait interrompre, une nouvelle fois, les travaux, au grand dam de TVO mais aussi d'Areva, sous pression pour terminer ce chantier censé mettre en valeur son nouveau réacteur EPR. Petteri Tiippana avait toutefois insisté sur le fait que des pans entiers du chantier progressaient correctement. "A la fin, avait-il prédit, la centrale respectera toutes les exigences de sécurité."
Espérons le. Toutefois le doute est permis. BP ne disait-elle pas la même chose de ses plates-formes pétrolières avant l'explosion de l'une d'entre elles, le 20 avril, dans le golfe du Mexique?
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