"Attention, un président de la République peut en cacher un autre." Ainsi commence l'article consacré à la Lettonie que vient de publier la revue en ligne Regard sur l'Est (La Lettonie à l'heure de l'empoignade, signé de votre serviteur).
J'aurais tout aussi bien pu remplacer "président de la République" par "oligarque". Non pas que je les mette dans le même panier. Mais après tout, lorsque ce n'est pas l'un des trois oligarques lettons qui occupe le devant de la scène, il y a de fortes chances que cela soit l'un des deux autres - ou les deux à la fois - qui le supplée ou le soutienne.
Oeuvrer en coulisses est un art dans lequel excellent les oligarques.
Pourquoi ne pas l'appeler l'olig'art?
L'olig'art ou l'art consommé de l'esquive tactique, de l'intervention discrètement appuyée au nom d'intérêts bien compris, promus par toutes les ficelles disponibles (politique, business, médias).
L'art de la comédie aussi:
- tel ce numéro d'Aivars Lembergs (l'un des membres du trio) qui, l'air goguenard, affirme à la télévision qu'il ne peut pas ouvrir le coffre fort de sa mairie aux agents du Bureau de lutte anti-corruption (KNAB), parce qu'il a tout simplement oublié la combinaison;
- ou cette sortie d'Ainars Slesers (autre membre du trio) déplorant, le 5 mai, que les services secrets lettons aient écouté depuis "plusieurs années", via des micros dissimulés, des conversations tenues dans des suites d'un des grands hôtels de Riga (le Ridzene, celui où Jacques Chirac était descendu en 2001, mais aussi Angela Merkel et Jaap de Hoop Scheffer, alors secrétaire général de l'OTAN, en 2006). Parmi les propos qui auraient été enregistrés, selon Slesers, ceux tenus lors d'une rencontre "au sommet" entre lui-même, Aivars Lembergs et Andris Skele, le dernier membre du trio (les "trois A"). Slesers avait promis de porter plainte. A ma connaissance, il n'en a rien fait.
L'olig'art serait-il réservé aux seuls oligarques patentés? Certains donnent l'impression de vouloir prouver le contraire, même s'ils sont encore loin de maîtriser toutes les ficelles du métier et n'aspirent peut-être pas au statut d'olig'artiste à plein temps, réservé aux happy few.
Sans aller jusque là, Andris Berzins, le nouveau président de la République lettone (depuis le 8 juillet 2011 - photo), s'était livré, après l'accession de la Lettonie à l'UE, à quelques manoeuvres peu dignes d'un futur chef d'Etat. Il est vrai qu'il ne se doutait alors pas qu'il endosserait un jour ce costume. Décrites ici en détails (et en anglais) par Mike Collier, le correspondant de l'AFP à Riga, ces manoeuvres - il n'est pas le seul dans le pays à les avoir entreprises - consistaient à utiliser des fonds européens pour cofinancer un projet de maisons d'hôtes qui, ô surprise, n'a pas abouti.
Le pauvre homme en avait certainement besoin, lui qui, ancien président de banque âgé de 66 ans, ne pouvait compter (avant son élection au parlement en octobre 2010 et, depuis peu, à la présidence de la République) que sur la plus importante pension versée dans le pays.
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