Reportage à Tallinn sur la gratuité des transports publics dans cette
ville. Introduite le 1er janvier, la mesure n'est censée ne bénéficier
qu'aux quelque 425 000 habitants de la capitale estonienne. En montant à
bord du bus ce matin, j'ai donc voulu acheter un ticket de bus à
l'unité, l'une des possibilités "offertes" aux non-résidents de Tallinn,
ceux qui sont invités à continuer à payer.
1,60 euro pour un adulte, ce n'est pas donné, surtout lorsqu'on rapporte ce montant au salaire mensuel moyen en Estonie (855 euros brut). Mais bon, je peux bien m'offrir ça, il le faut même pour le reportage.
Je monte donc à bord du bus par la porte de devant et demande au conducteur dans un estonien approximatif:
- Üks pilet, palun.
Le sourcil relevé, le chauffeur de bus grisonnant ne me comprend visiblement pas.
- Üks pilet, palun! [M'enfin quoi, un billet s'il vous plait!]
- Ah... 1,60 euro. [en estonien]
Coup de chance, je connais déjà le prix du billet à l'unité.
Pas de chance, je n'ai pas la monnaie suffisante.
Je
tends un billet de cinq euros. Le chauffeur me fait les gros yeux et,
lâchant le volant, sa main droite virevolte dans l'air, du genre vous m'embêtez avec votre billet, passez et qu'on n'en parle plus.
Loyal à l'égard d'une mairie qui prend une telle mesure (à dix mois d'élections municipales,
mais cela n'a bien sûr rien à voir), j'insiste un peu en tendant à
nouveau mon billet de cinq. Même geste de la main de l'homme bourru, le
regard déjà ailleurs, loin sur la chaussée.
Impossible de payer.
Oui, je peux en attester, les transports en commun sont vraiment gratuits!
Une habitante de Tallinn, qui elle n'a aucune obligation légale de payer mais doit tout de même
valider sur une borne sa carte magnétique verte à
chaque nouveau trajet, ne peut s'empêcher de sourire à ma déconvenue.
Un
peu plus tard, je renouvelle mon expérience à bord d'un tramway, bien décidé à payer. La
conductrice, plus compréhensive que son collègue, prend mon argent et, dans
l'espace prévu à cet effet, glisse en échange le petit billet en papier
blanc estampillé Tallinna Transpordiamet. Mission accomplie.
NB: l'article écrit après ce reportage est finalement paru dans La Croix du 8 mars 2013, consultable ici.
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