vendredi 25 décembre 2009

Du fond des "vasières" baltes

Intéressant "voyage dans la nouvelle Europe" que nous propose Le Figaro en cette fin d'année. L'auteur admet d'emblée n'y avoir "ni repères ni souvenirs". Il revendique son droit à "plonger dans l'inconnu" pour en ramener impressions, réflexions, anecdotes, bribes d'entretiens et saynètes pêchées dans ces "sociétés d'une complication extrême". Exercice délicat, même lorsqu'on a de la bouteille dans le métier, comme c'est le cas ici présent. Mais après tout pourquoi pas?
Alors qu'a donc trouvé François Hauter au fond des "vasières noires" d'Estonie, point de départ de ses pérégrinations? Du bon et du moins bon. Le pays y est décrit à la fois comme la future "Suisse du Grand Nord" et, sur son flanc oriental, comme le reflet de "la décrépitude de la Russie des campagnes". Les habitants de Narva - quasiment tous issus de la minorité russophone d’Estonie - en prennent collectivement pour leur grade. "Leur fatalisme, leur mépris pour les autres cultures, leur passivité agressive vis-à-vis de tout changement, les encalminent dans leur cité hideuse. Ils profitent sans vergogne du confort matériel apporté par l'Estonie, et se lamentent d'avoir besoin de visas pour aller rendre visite à leurs cousins, de l'autre côté de la rivière". Le grand reporter ne fait pas dans la nuance. Il préfère les généralités ou extrapoler à partir d'un détail saisi au vol. L'exercice l'y autorise sans doute mais il atteint vite ses limites.
Les Estoniens de souche ne sont pas non plus épargnés. "Les hommes d'Estonie sont réfléchis, sérieux, ordonnés comme les arbres de leurs forêts. Les femmes sont élancées, très belles, blondes presque exclusivement, bottées haut. Pas du tout attirantes, tant elles semblent disciplinées et irréprochables. On cherche en vain un peu de fantaisie derrière ce vide. L'on se demande comment font leurs hommes pour les différencier."
Les intéressé(e)s apprécieront. Parfois le plaisir de la formule bien troussée brouille la vue. Je connais - et je ne suis pas le seul - des hommes estoniens désordonnés et peu sérieux (même si, je l'admets, ils sont rarement d'une grande jovialité...). Je compte parmi mes amis ou mes connaissances des Estoniennes aux cheveux brun ou châtain, qui plus est de petite taille. Adeptes de la fantaisie et des talons plats. Sans doute pas irréprochables en dépit des apparences - qui l'est? - et parfois fort attirantes... Autre citation relevée, qui nous ramène à Narva: "Les établissements 'Rademar' (chaînes de vêtements) attirent les élégantes du coin. Elles en sortent déguisées en pingouins ou en prostituées". Eh bien voyons.
A Riga, l'envoyé spécial du Figaro nous fait pénétrer dans l'Académie des sciences de Lettonie (photo), avec ses "murs verdâtres", sa "lueur blafarde" et "une odeur de pisse" venant des toilettes "où un camarade a volé le miroir au-dessus du lavabo d'époque". Il s'arrête dans ce qui semble être la cantine du lieu: là, "on mange tout, y compris les feuilles de la garniture de salade, et la rondelle de citron. Puis on sauce." Pas vous, François Hauter? Et l'auteur d'ajouter : "Ces gens ont eu faim." Faim de salade? Pendant l'époque soviétique, les Baltes qui l'ont vécue vous le diront, on avait moins de "chances" de mourir de faim que d'ennui. Disons plutôt qu'on crevait de ne pas pouvoir faire ni dire ce que bon vous semblait.
Ces trois étapes dans la "nouvelle Europe" publiées à ce jour restent plutôt plaisantes à lire. L'auteur - ex-correspondant du Figaro à Washington et Pékin, entre autres, et lauréat du prix Albert Londres, ne l'oublions pas - connaît toutes les ficelles du métier. Le sens de la formule fait souvent mouche ("Riga sent le tabac froid du communisme"). La problématique de la mémoire et des différentes interprétations de l'histoire est clairement posée (même si on hausse le sourcil en découvrant que les Lettons "sont des Germaniques"). Hélas, il émane de cette mini-série sur les pays baltes un dédain plus ou moins prononcé. Tant vis-à-vis des Baltes de souche que de leurs minorités russophones et de la Russie. Attendons de voir ce que nous réserve la suite.

2 commentaires:

  1. Bonjour Antoine,

    Aux Lettons qui sont des germaniques, vous auriez pu ajouter les Estoniens, Lettons et Tchèques qui, pour l'auteur, sont des catholiques ..... Decidemment, cette série est bien décevante !

    D'autant plus qu'après Tallinn, Riga et Narva, les récits (je n'ose parler de reportages) nous emmènent à Varsovie puis à Berlin. Vilnius pas assez exotique ?

    Gilles, de Vilnius, provisoirement en France

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Gilles,
    j'ai effectivement remarqué que la Lituanie était passée à l'as, mais ça ne sera peut-être pas pour te déplaire... A bientôt à Vilnius.

    RépondreSupprimer