Et voilà que la taxe carbone française est répudiée in extremis par le Conseil constitutionnel. Selon les juges, la contribution que le gouvernement Fillon devait mettre en place à partir du 1er janvier comporte trop d'exemptions. Une grande spécialité de la fiscalité française. Le Conseil constitutionnel a également considéré que le nouveau dispositif censé réduire les émissions de CO2 faisait la part trop belle aux industries qui en émettent le plus.
Comment la Suède, l'un des premiers pays au monde à introduire une telle taxe en 1991, avait-elle procédé?
Aucun régime d'exemptions pour les particuliers (pas plus que de chèque vert d'ailleurs): tout le monde à la même enseigne! Au départ, la taxe s'élevait à l'équivalent en couronnes suédoises de 27 euros la tonne de CO2. Contre 17 euros seulement prévus dans le projet français. Aujourd'hui, la contribution est entrée dans les moeurs, en dépit de son quadruplement (108 euros la tonne)! C'est dire si les Suédois ont l'habitude que l'Etat les taxent...
A l'époque, en 1991, il ne s'agissait pas tant de soulager la bonne conscience des pollueurs ni de réduire les émissions de CO2 que de trouver un moyen de financer une vaste réforme fiscale. Le vernis écolo n'a été appliqué que plus tard. Même si peu d'entre eux l'admettront publiquement, bon nombre de contribuables suédois ne sont pas dupes. Mais puisque c'est pour contribuer au financement des avantages sociaux dont ils sont censés tous bénéficier...
Quid des entreprises polluantes, montrées du doigt en France par le Conseil constitutionnel?
Eh bien, contrairement à ce qu'on pourrait penser à propos d'un pays perçu comme écolo devant l'éternel, ces compagnies ont eu droit à un régime de faveur. Comme je le racontais dans un reportage publié par Challenges, les plus grosses consommatrices d'énergie (usines à papier, mines, etc.) ont bénéficié dès le départ d'un rabais de 50%. Et d'un autre encore un peu plus tard, résultat d'un lobbying intense réalisé au nom de la défense de la compétitivité suédoise. Résultat: aujourd'hui encore, une bonne partie des entreprises, y compris agricoles, ne paient que 21% de la taxe carbone...
Rien de bien étonnant, en fait: en Suède, les gouvernements - y compris et surtout sociaux-démocrates! - ont toujours veillé à garantir les meilleures conditions aux grandes entreprises du royaume. Appelons ça du pragmatisme. Du moment que c'est bon pour l'économie du pays et sa balance commerciale...
Cela dit, ces abattements pour les industries vont être rognés par l'actuel gouvernement... dirigé par les conservateurs! De 21%, ils devraient passer à 60% en 2015. Non pas pour mettre entreprises et particuliers sur un pied d'égalité. Mais parce qu'il lui faut agir pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre que le pays s'est fixés. La taxe, elle, continuera à augmenter, soyons en sûr. Quelle que soit la couleur politique de l'équipe au pouvoir...
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