jeudi 1 juillet 2010

Algirdas ou la colère de Dieu

C'est le titre qui me vient en pensant à l'étrange fin de l'ex-président de Lituanie, Algirdas Brazauskas, que je raconte dans La Croix parue ce matin. Je reproduis ici cet article.


La dépouille de l'ancien président de Lituanie interdite de cathédrale

En dépit des critiques, l’Église laisse entendre qu’il ne s’agit pas d’une tradition du pays

Algirdas Brazauskas était l’un des responsables communistes qui avaient su conduire la république soviétique de Lituanie vers l’indépendance sans trop d’encombres (ici en photo avec Vytautas Landsbergis, le "père" de l'indépendance). Après 1991, cet ancien cacique du Parti communiste a mené une carrière plus qu’honorable : premier président démocratiquement élu dans cette république balte (1993-1998), puis chef du gouvernement – sous étiquette social-démocrate – pendant cinq ans.

Un homme massif et madré, à l’image de son regard pétillant, dont la popularité ne s’était pas démentie chez les Lituaniens moyens jusqu’à sa mort, le 26 juin, à l’âge de 77 ans.

Et voilà que feu Algirdas Brazauskas est à l’origine d’une vive polémique à la veille de son enterrement aujourd’hui. Car le diocèse de Vilnius a décidé de ne pas autoriser la présence de la dépouille à l’intérieur de la cathédrale de la ville, lors de la messe qui y sera donnée en sa mémoire, alors que ce dernier en avait émis le vœu. Pendant ce temps, le corps reposera dans une salle du palais présidentiel, à quelques encablures de là.

Une revanche de l'Église ?

La plupart des médias du pays ont dénoncé ce « boycottage » et y ont vu une revanche de l’Église à l’encontre d’un ancien dirigeant du régime communiste. Durant l’occupation soviétique, plus de 300 prêtres furent condamnés et envoyés en exil en Sibérie. Les autres furent surveillés et empêchés d’exercer normalement.

La décision du diocèse a égale- ment été critiquée par les deux succes- seurs du défunt à la présiden- ce. Ce refus restera « sur la conscience » de ceux qui l’ont édicté, a estimé Dalia Grybauskaite, en fonction depuis un an. Pour Valdas Adamkus, « l’Église a violé un principe de base : pardonner à ceux qui se sont trompés ».

Encore très influente dans ce pays majoritairement catholique, l’Église s’est montrée peu prolixe pour justifier sa décision. Une source interne a expliqué à La Croix que laisser entrer une dépouille dans la cathédrale (photo) n’était plus une tradition lituanienne, qui plus est lorsque le défunt était un laïc. Le cas Brazauskas a sans doute été aggravé par son remariage civil, alors que sa première union était toujours considérée comme valide par l’Église. Une fin étrange pour celui qui, en 1989, alors qu’il était premier secrétaire du PC lituanien, avait restitué à l’Église la cathédrale de Vilnius, que le régime avait transformée en galerie d’art.

Antoine JACOB, à Riga

4 commentaires:

  1. Je ne suis pas un spécialiste du droit canon. Mais il me semble qu'un divorcé remarié (je souligne remarié)est écarté des sacrements de l'Eglise catholique.

    Je ne vois donc rien de choquant ni de nouveau dans la décision de l'Eglise lituanienne. Que l'on ait été auparavant Président de la République ou Secrétaire général du PC !

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  2. A Gilles: ce que je vois dans cette histoire, au-delà du sort de feu Brazauskas (il n'a eu que ce qu'il "mérite"), c'est une nouvelle preuve de l'inadaptation de la hiérarchie de l'Eglise catholique à la réalité du monde dans lequel elle prétend continuer à évoluer. A ce rythme-là, elle n'aura bientôt plus de membres que parmi les plus traditionalistes et les rétrogrades. Après tout, pourquoi pas? Cela ne me dérangerait pas. En revanche, ce qui m'embête plus, c'est qu'en agissant de la sorte, elle laisse la place libre à diverses sectes ou à des religions moins tolérantes encore. Un peu de souplesse et d'ouverture d'esprit, éminences!

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  3. Bonjour

    D'abord félicitation pour votre blog et vos articles. Ayant vécu en Scandinavie et ayant maintenant des liens forts avec la Lituanie j'apprécie votre connaissance poussée de ces pays.

    Je tombe un peu tard sur ce post mais il fait écho à une messe à laquelle j'ai assistée il y a 2 semaines à Vilnius. Le sujet principal du prêche était le mariage homosexuel de la première ministre islandaise. Le prêtre nous a servi sur le sujet qui lui tenait visiblement à coeur un discours clairement anti-homo.
    Naturellement les lituaniens étant encore assez pratiquant ce discours rétrograde de l'église se retrouve courament dans la population.

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  4. A Jean-Michel, merci tout d'abord pour le compliment, c'est toujours appréciable. Concernant l'Eglise catholique, j'avais été frappé moi aussi par la teneur d'un sermon, lors du pèlerinage d'Aglona (Lettonie), en août 2009 (http://jacobnordiques.blogspot.com/2010/04/et-si-le-roi-mindaugas-etait-enterre-en.html).
    L'un des évêques s'était lancé dans une diatribe sur l'homosexualité qui avait des relents médiévaux. Dans la foule présente, plusieurs dizaines de milliers de personnes venues de toute la Lettonie mais aussi des autres pays baltes, j'imagine qu'il y avait des homos ou des lesbiennes. Face un tel discours de l'autorité religieuse, leur vie ne doit pas être simple, surtout dans les campagnes.

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