La canicule aidant, certains médias français ont l'idée de se tourner vers ma région d'adoption, réputée plus fraîche en cette saison. Tandis qu'une équipe de télévision sillonne en ce moment même les routes de Lettonie et de Lituanie pour une émission de France 5, d'autres préfèrent le flanc nordique. C'est le cas du Monde, par exemple, qui a envoyé un de ses rubricards musique dans le Nord de la Norvège. A Traena plus exactement, archipel miniature situé entre Trondheim et Bodø (photo NRK). Chouette article sur un festival atypique qui, dans un décor exceptionnel, engage la communauté locale ("Avec de petites remorques, les gamins du village aident les campeurs à transporter leur barda": on imagine l'ambiance dans les chaumières). Chaque année, les organisateurs n'acceptent pas plus de 2 000 visiteurs, pour éviter la saturation. Un festival "durable", chapeau!
Petite visite (vidéo) guidée, notamment, par le duo norvégien Kings of Convenience (lors de l'édition 2008 du festival):
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Dans son numéro estival, le magazine Ulysse, lui, met le "Cap au Nord". Dossier de couverture (qui, à ce jour, n'est toujours pas mentionné sur son site). Vous n'échapperez pas à l'inévitable remontée du littoral norvégien à bord d'un des express côtiers de la compagnie Hurtigruten (l'auteur, Olivier Cirendini, s'en tire néanmoins plutôt bien pour un thème aussi éculé). Puis portraits de Samis, une chamane et un éleveur de rennes. Où l'on retrouve certains thèmes abordés avec bonheur par Frison-Roche dans ses deux romans consacrés à ce peuple (Le rapt, La dernière migration), déjà évoqué sur ce blog.
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Suit une visite le long de Västkys- ten, la côte Ouest de la Suède, au nord de Göteborg, dans le sillage du bateau de Niklas Krafft. Après une pêche matinale à la langoustine (relève des casiers), ce gaillard cuisine une partie de ses prises pour les clients vespéraux de son restaurant. Malin. Reportage photo visible ici. Là encore, le choix aurait pu être plus original. L'hebdomadaire Die Zeit, l'édition allemande de GEO, la presse norvégienne et danoise étaient déjà passés par là. Mais on ne peut pas toujours innover...
Ce qui n'est dit nulle part, en revanche, c'est que ledit Niklas a dû ferrailler avec les autorités environnementales régionales - très pointilleuses, il est vrai - pour obtenir une dispense à la réglementation sur la protection du littoral. Et ce, pour construire un petit local où vendre son poisson et ses fruits de mer durant la haute saison. On dira que c'est pour la bonne cause, le maintien d'une activité de la pêche dans cette région. Ce n'est pas joué d'avance en cette période de réductions des quotas de pêche et autres soucis, dont je vais parler plus bas.
A la différence de la langoustine pêchée dans l'océan Atlantique entre France et Espagne, celle qui fraye dans les eaux suédoises n'est pas concernée par ces réductions de quotas (il s'agit surtout de la morue). En revanche, la bestiole est menacée par un autre fléau que la surpêche: les carburants qui s'échappent peu à peu d'épaves reposant au fond de l’eau, le long du littoral de la côte Ouest, tout près de Flatön, l'île de Niklas.
Il s'agit notamment du S/S Skytteren, un navire coulé au large du port de pêche de Lysekil. Son histoire est assez extraordinaire. Imaginez qu'il avait été construit à Belfast pour la compagnie possédant aussi le Titanic! Cela nous ramène au tout début du siècle dernier. La White Star Line plaça le navire (alors baptisé Suevic) sur sa ligne reliant Liverpool à Sydney via Le Cap. Emigrants dans toutes les coursives. Plus tard, par 13 noeuds, il dépêcha des soldats vers la guerre des Boers. Il survécut à un naufrage au large des côtes anglaises. Pas une victime. Rafistolé, il emmena des soldats british vers la bataille des Dardanelles. En 1928, un armateur norvégien le racheta pour 35 000 livres: reconversion en baleinier. Et, lorsque la 2e guerre mondiale éclata, le gouvernement norvégien en exil exigea que le navire, réfugié dans le port de Göteborg, soit réquisitionné pour son compte. Il partit au petit matin du 1er avril 1942 dans un cortège d'embarcations transportant des produits stratégiques à destination des Alliés. Tapis dans le brouillard, des croiseurs allemands les attendaient. Touché mais pas coulé. Le capitaine préféra toutefois saborder le Skytteren plutôt qu'il ne passe sous pavillon nazi.
Depuis, il repose par 75 mètres de fond. Selon les estima- tions, quelque 1000 litres de carbu- rant par jour s’échapperait, depuis 2005, de ses réservoirs. Depuis, les autorités suédoises envisagent de vider les cuves de l'épave. Mais l'opération est coûteuse. D'autant plus que le Skytteren n'est pas la seule épave couchée au large de la côte Ouest. Une vingtaine d'autres représentent un danger potentiel pour la faune et la flore marines. Plusieurs d'entre elles ont commencé à fuir. Le Bureau des affaires maritimes est en train de pondre un rapport pour le gouvernement suédois. Attendu en janvier 2011, il préconisera les mesures à prendre.
Il est temps, si Niklas veut continuer à pêcher et cuisiner ses langoustines en toute tranquillité.
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Toujours dans le même numéro d'Ulysse, on trouve une plongée dans le monde des glaciers et des volcans islandais, plutôt d'actualité... Et enfin une promenade sur l’archipel d’Åland, destination moins courue et tout aussi intéressante. Un territoire autonome finlandais (doté de son drapeau), niché entre la mère-patrie et la Suède, à l'entrée du golfe de Botnie. Pierre Grundman, l'auteur de l'article, n'a pas tort lorsqu'il parle de "province nordiquissime, encore plus propre, plus verte, plus rurale, plus sauvage, plus maritime, plus calme, plus prospère; on n'y voit pas de flics, pas de tag, il n'y a pas de crime "à part les infractions au Code de la route", pas de prison".
Encore que... Une petite recherche dans la presse nordique nous apprend qu'un hold-up (raté, certes) a fait deux blessés dans les rues de Mariehamn en 2009, la "capitale" de l'archipel (non, ce n'était pas un 1er avril).
Et puis le lieu a inspiré un roman policier - mais il est vrai qu'un bout de territoire nordique sans son polar maison, cela aurait été plutôt incongru... Publié ce printemps par Mikael Paasikivi, petit-fils d'un président finlandais, ce bouquin (Guld i blodet, soit De l'or dans le sang) met en scène une femme commissaire de police, Ulla Johansson, aux prises avec des crimes remontant à l’époque de la guerre de Crimée. Car, loin de ce front-là, l’archipel d'Åland fut le théâtre d’une bataille méconnue. En 1854, soldats anglais et français, envoyés là pour détourner les forces russes de Crimée, délogèrent les forces tsaristes de la forteresse de Bomarsund qu’elles avaient bâtie là. Pour les passionnés d'histoire, je signale un livre revenant, entre autres, sur cette bataille et ses implications, Les Îles Åland en mer Baltique. Héritage et actualité d'un régime original, publié cette année chez L'Harmattan sous la direction de Matthieu Chillaud.
Pour terminer sur une note plus pétillante, Åland est dans l'actualité depuis qu'un plongeur du cru a découvert, dans une épave localisée dans les eaux de l'archipel, des bouteilles de champagne qui auraient plus de 200 ans d'âge! On parle des années 1780... Aussi étonnant que cela puisse paraître, le liquide, conservé par 50 mètres de profondeur dans les eaux particulières de la Baltique, serait plus que buvable. "Très doux, avec un arôme de tabac et de chêne", dixit le chef d'expédition (qui a fourni la photo sous-marine). Divers experts y vont de leurs pronostics: Veuve Cliquot, Ruinart... Et les chiffres s'affolent: une telle bouteille se négocierait autour de 50 000 euros! Vous reprendrez bien un p'tit verre?
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