dimanche 20 février 2011
Gilles en Lettonie, c'est fini
Après "7 ans et 8 mois" à l'étranger, l'auteur du blog bien connu des internautes francophones amateurs des pays baltes - Gilles en Lituanie puis Gilles en Lettonie - rentre au pays.
Ce n'est pas par gaieté de coeur, on le sent bien. Gilles Dutertre apprécie sa vie d'expatrié et ne craint pas les déracinements répétés, de caserne en caserne, de mission en mission (Allemagne, Liban, Cambodge, Bosnie, etc.). Mais pour une raison indépendante de sa volonté, comme le veut l'expression, il a décidé de retourner vivre en France, plus précisément en Indre-et-Loire. Départ prévu mardi.
Durant sa période balte, Gilles n'a pas été du genre à se cantonner aux beaux quartiers des capitales. Lui s'est fondu dans la masse. Par nécessité - la retraite d'un ex-lieutenant-colonel n'est visiblement pas à rallonge - mais aussi par goût, me semble-t-il, il résidait dans les banlieues populeuses. D'abord sur les hauteurs de Vilnius, pendant 5 ans, puis à Riga depuis mars 2010, dans une tour des "nouveaux" quartiers reliés au centre-ville par moult bus et trolleybus.
Là, depuis son trois pièces, il observait la vie locale à sa façon, selon ses lubies, ses centres d'intérêt. Il était intarissable sur les aléas de la météo, les accidents de la route, les petits événements qui animent les discussions de tous les jours. On les retrouvait dans les billets réguliers et concis qu'il écrivait sur son blog, le plus souvent avant le lever du jour, lui qui, droit dans ses bottes, continuait à vivre au rythme de la caserne.
Gilles est aussi friand d'histoire et s'en est fait une spécialité sur le tard. A Riga, il a fréquenté des bibliothèques, à la recherche d'ouvrages qui pourraient l'aider dans la préparation d'un livre sur les Français dans l'histoire de la Lettonie. La suite logique de celui qu'il avait écrit, avec la même approche, sur la Lituanie. Paru chez L'Harmattan, ce 1er bouquin lui a valu une petite notoriété dans une région d'Europe peu habituée à ce que des étrangers écrivent à son propos.
Le regard de Gilles pétille lorsqu'il raconte les conférences qu'il allait donner "dans les provinces de Lituanie", sur son thème de prédilection ou bien juste pour parler de la France ou de n'importe quel autre thème, pour peu que ça soit en français. Ses hôtes voyaient débarquer un gaillard encore vert, toujours propre sur lui et peu avare d'anecdotes, lui qui aime bien, notamment, s'attarder sur son parcours.
Une fois ce 1er livre terminé, Gilles a commencé à s'ennuyer à Vilnius. "Cinq ans dans la même caserne, ça ne m'était jamais arrivé avant!", plaisante-il, avec un fond d'humour propre aux (ex-)militaires. Il lui fallait un nouveau projet. Pourquoi ne pas s'installer à Riga, à quatre heures de route? Il y a près d'un an, il arrivait donc dans l'ancienne ville hanséatique avec armes et bagages ("400 kilos", dont un tas de bouquins, accumulés au fil des années). Aidé par un ami du cru, il n'a pas tardé à trouver ses marques dans cette nouvelle ville-étape. Le tempérament letton, plus réservé que le lituanien, l'a un peu dérouté, même s'il s'y attendait. Il s'explique notamment par l'histoire, les occupations, et la présence à Riga d'une forte proportion de représentants de la minorité "russophone", arrivés pour la plupart durant l'annexion soviétique. "Riga, c'est surtout une ville russe", a coutume d'observer notre blogueur qui, dans ses billets, n'hésite pas à épouser les opinions des "patriotes" de tous poils que comptent les pays baltes.
Gilles et moi, nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout, et il le sait. A quelques reprises, nous avons eu l'occasion de nous expliquer, toujours de manière courtoise. Sa manière de taper sur les médias en général dès que l'un d'entre eux commet une boulette, surtout lorsqu'elle concerne ses chers pays baltes, m'a parfois lassé... Il n'a pas tort sur le fond, mais ses piques - fort appréciées de ses lecteurs les plus fidèles - frisent parfois la démagogie. Mais qu'y puis-je? A chacun ses opinions, son style. Et puis, comme il le dit lui-même, "Antoine, il ne faut pas te sentir visé!" Peut-être suis-je devenu un peu trop sensible aux attaques dont ma profession est souvent la victime un peu facile, alors que, comme les trains à l'heure, le boulot utile dont elle s'acquitte sans dérailler passe, lui, inaperçu. Bref!
Malgré ces petits différends, malgré mes a priori de départ et nos différences (nous n'avons jamais parlé politique mais je subodore le fossé) et malgré le fait que nous ne nous sommes que peu croisés, je crois toutefois pouvoir avancer que Gilles et moi éprouvons un certain respect mutuel. C'est déjà pas mal.
Mardi, il atterrira dans son pays natal, avec une vague appréhension. Pas évident de réintégrer ses pénates après des années à l'étranger, nous sommes nombreux à en avoir fait l'expérience. Je lui souhaite bon vent. Gageons que, s'il rencontre l'ennui en Touraine, il saura le tromper en renouant avec ses amours baltes, ne serait-ce que grâce à Internet. Quelque chose me dit que, dans les mois à venir, il nous arrosera de billets et d'informations lettones et lituaniennes via son blog, comme s'il était encore à Riga, à veiller du haut de sa tour de banlieue.
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Gilles méritait bien un "post" à lui tout seul. Et qui mieux que vous aurait pu écrire un article sur sa "période balte"?
RépondreSupprimerJ'ai relevé dans un poème d'un écrivain estonien ,Karl Ristikivi,une phrase qui résume pour moi l'état d'esprit des expatriés:
"Meie juured on igas paigas,
kust me kunagi mööda käinud."
"Nos racines sont en chaque lieu
que nous avons un jour traversé."
(Extrait du recueil "Le chemin de l’homme")
http://www.litterature-estonienne.com/ristikpoemes.html#Anchor-11481
Merci Marianne, je ne connaissais pas ce poème et les autres trouvés sur le site - très intéressant! - que vous mentionnez.
RépondreSupprimerContrairement à Ristikivi, je trouve que nos racines sont aussi "dans notre enfance, dans le sol natal".
Quoi qu'il en soit, pour certains expatriés qui ont la bougeotte, cela fait donc beaucoup de racines à nourrir et à entretenir à la fois, parfois à des milliers de kilomètres de distance... De quoi parfois se sentir écartelé?