Il est intéressant, à cette aune-là, de prendre connaissance des rapports pondus par des diplomates suédois à propos des républiques baltes d'URSS, au moment où celles-ci s'émancipaient de Moscou pour recouvrer leur liberté. Le gouvernement suédois a décidé de les publier avec 30 ans d'avance par rapport à la loi, et ce, à l'occasion du 20ème anniversaire du retour des Baltes à l'indépendance. Cette reconquête ne fut pas une mince affaire et, si elle se déroula sans grande effusion de sang, elle eut, elle aussi, son lot de tensions et de drames. Cette vidéo en témoigne, réalisée par le Letton Juris Podnieks et son équipe lors d'une (vaine) tentative de reprise en main par des OMON, forces de police soviétiques, le 21 janvier 1991 à Riga:
Vingt ans.
J'ai l'impression que c'était il y a nettement plus longtemps. Les pays baltes ont beaucoup changé depuis, en profondeur ou en surface. Les conditions de travail aussi: contempler les copies numériques des notes diplomatiques suédoises tapées sur des machines à écrire antédiluviennes, ça nous renvoie à l'ère d'avant Internet, d'avant les téléphones mobiles (je suis heureux d'avoir connu cette époque à mes débuts dans le journalisme, même si la fin était proche).
J'avoue n'avoir, pour l'instant, lu qu'une infime partie quelque 90 documents - en langue suédoise - désormais disponibles au public. Après en avoir parcouru quelques-uns, je ne suis pas sûr de l'intérêt réel qu'ils représentent pour moi, alors que le temps me manque pour faire ne serait-ce que la moitié de ce que je veux. De plus, la méthode de lecture proposée n'est guère aisée. On a beau être à l'ère Internet, celui-ci reste parfois peu commode ou mal adapté. La numérisation de vieux rapports dactylographiés a tendance à rendre plus flous les caractères, je vous assure: faites le test vous-même (à moins que ma vue ait baissé!).* * *
Plutôt que de m'abimer les yeux, je vais me replonger dans un livre écrit par l'un des diplomates suédois alors en poste en URSS. Dag Sebastian Ahlander était consul général à Leningrad durant ces années décisives. Dès 1992, il a raconté dans un ouvrage ses missions sur le terrain, le climat
De tout ça, Stockholm s'est bien gardée de parler en présentant son initiative. Dans un communiqué, le ministère des affaires étrangères évoque "une grande quantité de rapports diplomatiques jusqu'à alors restés secret, remontant à la période dramatique de la chute de l'Union soviétique". Après tout, c'est de bonne guerre, même si on attendrait plutôt ce genre de pratique et de rhétorique de la part de journaux ou de maisons d'édition...
* * *
Il y a 20 ans, Carl Bildt n'était pas encore l'habitué des coulisses diplomatiques et des réunions entre "hauts" dirigeants de ce continent, voire de ce monde. Il était le grand échalas qui, à la tête du parti conservateur, menait l'opposition "bourgeoise" avec l'espoir de déloger les sociaux-démocrates du pouvoir. A l'automne 1991, il y parvenait, à l'âge de 42 ans. Dans ses fonctions de premier ministre, il eut notamment à gérer la politique suédoise vis-à-vis de la nouvelle Russie de Boris Eltsine et des Baltes qui, on ne s'en souvient pas toujours, durent tolérer la présence d'éléments de l'armée russe (ex-armée Rouge) jusqu'en 1994.
Carl Bildt dut aussi s'employer à faire oublier quelques décisions ou propos malheureux d'autres responsables politiques suédois à l'encontre des Baltes. Stockholm fut l'une des rares capitales occidentales à reconnaître leur annexion par l'URSS durant la 2e guerre mondiale. Bien plus tard, lors d'une visite en URSS à l'automne 1989, celui qui était alors le ministre (social-démocrate) des affaires, feu Sten Andersson, eut le malheur d'affirmer que l'Estonie n'était "pas occupée" et que les militants baltes proindépendantistes ne constituaient qu'une "minorité" (il s'en expliqua dans ses mémoires, dont voici des extraits en suédois).Dans la joyeuse ambiance de cocktail qui régnait à la Stockholm School of Economics de Riga, je rappelais à Carl Bildt ces épisodes peu glorieux pour l'Etat qu'il représente: "Ca ne devait pas être très facile pour toi [on se tutoie en suédois], à l'époque, de passer derrière et de recoller les morceaux..."
Bildt baissa un peu la tête - il est plus grand que moi - et me dit, en plantant son regard bleu dans le mien: "c'était une période... exigeante".
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