On croise de grands hommes transis sur les artères enneigées de Helsinki. Aux alentours du parlement, ils sont quelques-uns à veiller nuit et jour, du haut de leur piédestal, bravant un froid à fendre la pierre (sans doute encore une manifestation du sisu finlandais). Ils continuent à se côtoyer, comme de leur vivant. Ou à se surveiller.
Kyösti Kallio, ancien premier ministre (à quatre reprises) et président de la jeune République entre 1937 et 1940, est assis de façon à ne pas manquer un geste de ses rivaux politiques, qu'il aperçoit de profil, au garde-à-vous devant l'Eduskunta, le parlement (qui a un site en français, s'il vous plait).
Il y a là Kaarlo Juho Ståhlberg:
Considéré comme le père de la Constitution finlandaise (c’est l’ouvrage qu’il tient d’une main non-gantée, l'imprudent), ce moustachu timide et réservé fut le 1er président élu après l’indépendance et la guerre civile. En poste de 1919 à 1925, il fut candidat malheureux à cette même fonction dans les années 1930. Notamment face à Kallio, mais aussi à Pehr Evind Svinhufvud:
Pas évident de porter un tel patronyme. Svinhufvud signifie tête de cochon en suédois (dans l’orthographe alors en vigueur). Cela ne l’empêcha pas de devenir populaire dans le pays, qui lui donna le sobriquet d’Ukko (vieux) Pekka. Pekka est la version finnisée de Pehr, prénom porté au sein de la minorité suédophone, dont Svinhufvud faisait partie.
Ståhlberg et Svinhufvud, eux, ont en ligne de mire un autre personnage qui, aujourd'hui, leur fait de l'ombre sous l'arbre de la postérité nationale.
Le maréchal Carl Gustaf Mannerheim, baron de son état, est le seul à trôner sur un cheval.
Le grand militaire, qui a encore des inconditionnels en Finlande, tourne le dos à ses anciens pairs. Il jouit d'un emplacement central, plus proche du cœur de la ville. S'il a mené une armée qui a su opposer une résistance remarquable face aux Soviétiques durant les Guerres d'hiver et de continuation, il paraît moins à l'aise dans le maquis mécanique contemporain.
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Bien couvert dans ma parka enfilée sur deux pulls et une veste, bonnet de laine sur le crâne et moufles assorties (sauf pour manier mon précieux Lumix), je continue mon bonhomme de chemin, descends à gauche vers la gare centrale pour aller, sur la place attenante, saluer Aleksis Kivi, le premier écrivain de stature à avoir publié son oeuvre en langue finnoise.
Il sera question de Kivi, et de bien d'autres auteurs de la région, dans le n° de mars du Magazine littéraire. Le dossier, auquel j'ai contribué, sera consacré à la littérature nordique, l'invitée du Salon du livre de Paris (du 18 au 21 mars).
Je poursuis mon chemin, évitant les pièges verglacés, pour arriver à proximité d'un des grands compositeurs classiques finlandais, Fredrik Pacius.
Pacius est l'auteur, entre autres, de la mélodie qui allait devenir l'hymne national finlandais sur un poème de Runeberg, autre grande figure de l'éveil national au 19ème siècle. L'hymne, Maamme laulu (Notre pays), est ici interprété avec sobriété par un chœur d'hommes:
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Wikipedia dit de Pacius, d'origine allemande, qu'il est surnommé "le père de la musique finlandaise". Dans ce cas, Jean Sibelius est son fils prodige. Mon séjour à Helsinki m'amène à l'Académie qui porte son nom depuis 1939. Une pépinière de talents qui, une fois leur diplôme en poche, vont peupler les orchestres de Finlande et d'ailleurs, mais aussi porter la bonne parole musicale auprès d'élèves de tous âges.
A l'occasion de la venue à Paris d'un des anciens élèves les plus réputés de l'Académie, Esa-Pekka Salonen, La Croix m'a commandé un reportage - à paraître incessamment - sur cet établissement assez remarquable, qui attire de plus en plus d'étudiants non-finlandais. Y compris quelques Français, comme Vincent Lhermet, un Clermontois qui se destine à devenir accordéoniste d'orchestre classique.
Le recteur de l'Académie Sibelius, Gustav Djupsjöbacka, ne se fait pas prier pour poser au côté du grand compositeur. C'est tout juste s'il ne me tire pas par la manche pour m'emmener devant le buste de cet auguste ex-pensionnaire de l'établissement.
En grande forme ce matin-là, Gustav ne peut s'empêcher d'exhiber quelques-uns des produits dérivés tentant de tirer quelque profit de la "marque" Sibelius. Cigare, champagne...
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Mais revenons à nos statues. Difficile, à Helsinki, d'échapper à la nature et aux créatures qui la hantent, ou du moins à leurs représentations. Les exemples surgissent sans même qu'on les cherche. Pot-pourri:
Sans parler du canasson de Mannerheim.
A propos, la photo ci-dessous ne vous rappelle rien?
Mannerheim, le lonesome cowboy du Septentrion.
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