Hier à la mi-journée. Sous une fine pluie neigeuse, je traverse un des nombreux parcs qui enserrent la vieille ville de Riga. A ma gauche, une cinquantaine de personnes et presque autant de parapluies autour d'une statue, celle de Pouchkine. Le père de la littérature russe moderne a droit à une lecture de ses propres poèmes par quelque admirateur campé devant un micro. A une centaine de mètres de là, à l'abri dans un 4x4, des policiers observent du coin de l'oeil.
Des policiers ici? Pouchkine n'est pas un criminel. Est-ce parce que son oeuvre est déclamée en russe? Rien d'interdit ni d'inhabituel en cette ville où la moitié, au bas mot, de la population appartient à la minorité "russophone" de Lettonie.
Non, le bon poète est la cause involontaire d'une querelle dont Riga a le secret. Elle oppose "patriotes" lettons à tous ceux qui, à leurs yeux, peuvent représenter un danger pour l'identité lettone. Or ils trouvent pour le moins louche que la statue, inaugurée en août, soit un don de la ville de Moscou, voulu par elle comme un gage d'un réchauffement des relations letto-russes. Fait aggravant pour les "patriotes": le maire de Riga ayant inauguré la statue est issu de la minorité russophone. Une première depuis la fin de l'occupation de ce pays balte par les Soviétiques.
Comme l'ont fait remarquer des personnalités lettones dans une pétition, Pouchkine n'a jamais vécu à Riga et n'a rien à voir avec elle. Si ce n'est qu'en son temps, l'empire russe gouvernait sur cette région. Pourquoi pas aussi une statue de poupée russe?, a ironisé le journal Diena.
En m'éloignant du maigre attroupement, je me dis que les nationalistes lettons, eux, auraient préféré qu'on érige un buste de Georges-Charles d'Anthès. Cet officier français, convoqué en duel par un Pouchkine irrité de le voir lorgner son épouse, tua le poète d'un coup de pistolet.
dimanche 18 octobre 2009
vendredi 16 octobre 2009
Quand Pictor sort du sceau
Dans Le septième sceau, Bergman filme un court instant un peintre à l'oeuvre dans une église.
La scène vous dit quelque chose?
Ce personnage, c'est celui d'Albertus Pictor. Un hommage discret au plus grand artiste de la Suède médiévale. Le réalisateur lui devait bien ça: à Albert le peintre, il venait d'emprunter le motif d'une de ses fresques murales les plus connues: la Mort jouant aux échecs... A voir dans l'église de Täby, banlieue de Stockholm.
Un demi-siècle plus tard, Albertus est à nouveau d'actualité: la Suède commémore le 500ème anniversaire de sa mort. Et (re)découvre un peintre arrivé d'Allemagne pour ornementer avec brio les murs intérieurs et les voûtes de 36 églises.
Bon nombre de motifs et citations en latin, inspirés de la Bible des pauvres, devaient servir de pense-bêtes aux prêtres, les inspirer dans leurs sermons... Jusqu'à ce que ce que les nouveaux maîtres luthériens, installés avec la Réforme, ne fassent badigeonner de chaux toute cette imagerie superflue! Ca ne fait qu'un siècle qu'on rend à Pictor ce qui est à Pictor.
La scène vous dit quelque chose?
Ce personnage, c'est celui d'Albertus Pictor. Un hommage discret au plus grand artiste de la Suède médiévale. Le réalisateur lui devait bien ça: à Albert le peintre, il venait d'emprunter le motif d'une de ses fresques murales les plus connues: la Mort jouant aux échecs... A voir dans l'église de Täby, banlieue de Stockholm.
Un demi-siècle plus tard, Albertus est à nouveau d'actualité: la Suède commémore le 500ème anniversaire de sa mort. Et (re)découvre un peintre arrivé d'Allemagne pour ornementer avec brio les murs intérieurs et les voûtes de 36 églises.
Bon nombre de motifs et citations en latin, inspirés de la Bible des pauvres, devaient servir de pense-bêtes aux prêtres, les inspirer dans leurs sermons... Jusqu'à ce que ce que les nouveaux maîtres luthériens, installés avec la Réforme, ne fassent badigeonner de chaux toute cette imagerie superflue! Ca ne fait qu'un siècle qu'on rend à Pictor ce qui est à Pictor.
jeudi 15 octobre 2009
Lapon-Roche
Chez un bouquiniste nîmois, un livre de poche. En couverture, deux rennes, tous bois dehors. Les pieds dans la neige, un type, costume traditionnel sur le dos, les arnache. Un Lapon, ou plutôt un Same comme on dit par là-haut. Le rapt est signé Frison-Roche (1963).
Je tique un peu. Ses récits d'alpiniste ne m'ont jamais tenté... Je ne sais pas ce que vaut Premier de cordée, mais cette découverte lapone s'avale comme un bouillon de perdrix des neiges. Grands espaces. Vol de troupeaux, haines recuites entre clans, veillées embrumées. Norvégiens aveuglés par leur besoin de mettre ces hères sur le droit chemin de la "civilisation". Pas tous les Norvégiens, le livre évite le manichéisme. Malgré quelques piques -- les Sames sont "soupçonneux et versatiles" --, notre reporter-écrivain voue une certaine admiration à ce peuple. On est loin de Tintin au Congo. Bonne nouvelle: Le rapt a une suite, La dernière migration.
Je tique un peu. Ses récits d'alpiniste ne m'ont jamais tenté... Je ne sais pas ce que vaut Premier de cordée, mais cette découverte lapone s'avale comme un bouillon de perdrix des neiges. Grands espaces. Vol de troupeaux, haines recuites entre clans, veillées embrumées. Norvégiens aveuglés par leur besoin de mettre ces hères sur le droit chemin de la "civilisation". Pas tous les Norvégiens, le livre évite le manichéisme. Malgré quelques piques -- les Sames sont "soupçonneux et versatiles" --, notre reporter-écrivain voue une certaine admiration à ce peuple. On est loin de Tintin au Congo. Bonne nouvelle: Le rapt a une suite, La dernière migration.
mardi 13 octobre 2009
Balle dans le pied
Les militaires danois ont de l'imagination.
Pour discréditer le livre qu'a publié l'un des leurs, censé être trop bavard sur les activités des forces spéciales en Afghanistan, pourquoi ne pas faire comme si les islamistes allaient s'en servir pour nuire à la sécurité du paisible royaume?
C'est l'idée qui a germé dans l'esprit d'un responsable de l'état-major. Ni vu ni connu, il a fait traduire en arabe une bonne quinzaine de pages du bouquin incriminé, par un service de traduction automatique.
Laquelle version a atterri opportunément dans la messagerie électronique d'un quotidien populaire danois qui, bien sûr, s'est empressé d'en faire part à ses lecteurs.
Réaction offusquée de la défense danoise et de son ministre en titre:
- Regardez, braves gens, les islamistes ont déjà traduit le livre! Nous avions raison de vouloir interdire sa publication.
La supercherie a été dévoilée depuis. Le responsable de la traduction et le chef du service de communication de l'armée ont été suspendus de leurs fonctions et sont poursuivis pour faute grave. Le chef d'état-major des armées, lui, a dû démissionner.
Pendant ce temps, le livre en question, écrit par un ancien membre des forces spéciales danoises, Thomas Rathsak (photo, source: Scanpix), jouit d'une publicité dont il n'aurait jamais osé rêver avant que les stratèges danois ne s'en emparent...
Pour discréditer le livre qu'a publié l'un des leurs, censé être trop bavard sur les activités des forces spéciales en Afghanistan, pourquoi ne pas faire comme si les islamistes allaient s'en servir pour nuire à la sécurité du paisible royaume?
C'est l'idée qui a germé dans l'esprit d'un responsable de l'état-major. Ni vu ni connu, il a fait traduire en arabe une bonne quinzaine de pages du bouquin incriminé, par un service de traduction automatique.
Laquelle version a atterri opportunément dans la messagerie électronique d'un quotidien populaire danois qui, bien sûr, s'est empressé d'en faire part à ses lecteurs.
Réaction offusquée de la défense danoise et de son ministre en titre:
- Regardez, braves gens, les islamistes ont déjà traduit le livre! Nous avions raison de vouloir interdire sa publication.
La supercherie a été dévoilée depuis. Le responsable de la traduction et le chef du service de communication de l'armée ont été suspendus de leurs fonctions et sont poursuivis pour faute grave. Le chef d'état-major des armées, lui, a dû démissionner.
Pendant ce temps, le livre en question, écrit par un ancien membre des forces spéciales danoises, Thomas Rathsak (photo, source: Scanpix), jouit d'une publicité dont il n'aurait jamais osé rêver avant que les stratèges danois ne s'en emparent...
Espèce de consolidation!
Conférence de presse à Riga, ce mardi. Salle bondée, haie de caméras, quatre ambassadeurs européens sur le carreau: plus de place à l'intérieur. Les vedettes du jour? Le premier ministre letton et le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires. Joaquin Almunia est venu rappeler à l'ordre ses "amis lettons". Il faut économiser! Pas d'autre issue pour un Etat qui a dû accepter le prêt de 7,5 milliards d'euros proposé par le FMI et l'Union européenne pour éviter la banqueroute, il y a un an.
Les partis politiques au pouvoir traînent des pieds. Ils craignent pour leur réélection en 2010. Ils ont raison: fermetures d'écoles et d'hôpitaux (en photo, celui du centre de de Riga, affecté le plus durement - source: Riga Daily Photo) sont devenus le quotidien des Lettons depuis l'été. Tout le monde ou presque a vu son salaire réduit, parfois jusqu'à 40%. Lorsque ce n'est pas le chômage qui s'invite dans la vie de gens qui ne peuvent pas compter sur une couverture sociale digne d'un pays de l'UE. Le scrutin s'annonce mal.
Conférence de presse, donc.
Almunia est satisfait. On vient de lui donner des "assurances": oui, le gouvernement va tailler à nouveau dans les dépenses. A hauteur de 700 millions d'euros pour 2010. Autant que cette année. "L'engagement letton est une très bonne nouvelle". Le spectre d'une dévaluation du lats, la devise du pays, est écarté, du moins pour quelque temps. Soulagement.
Question d'une journaliste lettone:
- Pouvez-vous, monsieur le commissaire, expliquer aux Lettons moyens, qui perdent leur travail, qui ne peuvent plus se faire soigner comme avant, qui voient leurs écoles fermer, pouvez-vous leur expliquer pourquoi le pays a besoin de couper dans ses dépenses budgétaires?
Brève réponse dudit commissaire:
- Je n'ai jamais parlé de coupes budgétaires, mais de consolidation fiscale!
Silence dans la salle.
D'autres questions?
Les partis politiques au pouvoir traînent des pieds. Ils craignent pour leur réélection en 2010. Ils ont raison: fermetures d'écoles et d'hôpitaux (en photo, celui du centre de de Riga, affecté le plus durement - source: Riga Daily Photo) sont devenus le quotidien des Lettons depuis l'été. Tout le monde ou presque a vu son salaire réduit, parfois jusqu'à 40%. Lorsque ce n'est pas le chômage qui s'invite dans la vie de gens qui ne peuvent pas compter sur une couverture sociale digne d'un pays de l'UE. Le scrutin s'annonce mal.
Conférence de presse, donc.
Almunia est satisfait. On vient de lui donner des "assurances": oui, le gouvernement va tailler à nouveau dans les dépenses. A hauteur de 700 millions d'euros pour 2010. Autant que cette année. "L'engagement letton est une très bonne nouvelle". Le spectre d'une dévaluation du lats, la devise du pays, est écarté, du moins pour quelque temps. Soulagement.
Question d'une journaliste lettone:
- Pouvez-vous, monsieur le commissaire, expliquer aux Lettons moyens, qui perdent leur travail, qui ne peuvent plus se faire soigner comme avant, qui voient leurs écoles fermer, pouvez-vous leur expliquer pourquoi le pays a besoin de couper dans ses dépenses budgétaires?
Brève réponse dudit commissaire:
- Je n'ai jamais parlé de coupes budgétaires, mais de consolidation fiscale!
Silence dans la salle.
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