Hier à la mi-journée. Sous une fine pluie neigeuse, je traverse un des nombreux parcs qui enserrent la vieille ville de Riga. A ma gauche, une cinquantaine de personnes et presque autant de parapluies autour d'une statue, celle de Pouchkine. Le père de la littérature russe moderne a droit à une lecture de ses propres poèmes par quelque admirateur campé devant un micro. A une centaine de mètres de là, à l'abri dans un 4x4, des policiers observent du coin de l'oeil.
Des policiers ici? Pouchkine n'est pas un criminel. Est-ce parce que son oeuvre est déclamée en russe? Rien d'interdit ni d'inhabituel en cette ville où la moitié, au bas mot, de la population appartient à la minorité "russophone" de Lettonie.
Non, le bon poète est la cause involontaire d'une querelle dont Riga a le secret. Elle oppose "patriotes" lettons à tous ceux qui, à leurs yeux, peuvent représenter un danger pour l'identité lettone. Or ils trouvent pour le moins louche que la statue, inaugurée en août, soit un don de la ville de Moscou, voulu par elle comme un gage d'un réchauffement des relations letto-russes. Fait aggravant pour les "patriotes": le maire de Riga ayant inauguré la statue est issu de la minorité russophone. Une première depuis la fin de l'occupation de ce pays balte par les Soviétiques.
Comme l'ont fait remarquer des personnalités lettones dans une pétition, Pouchkine n'a jamais vécu à Riga et n'a rien à voir avec elle. Si ce n'est qu'en son temps, l'empire russe gouvernait sur cette région. Pourquoi pas aussi une statue de poupée russe?, a ironisé le journal Diena.
En m'éloignant du maigre attroupement, je me dis que les nationalistes lettons, eux, auraient préféré qu'on érige un buste de Georges-Charles d'Anthès. Cet officier français, convoqué en duel par un Pouchkine irrité de le voir lorgner son épouse, tua le poète d'un coup de pistolet.
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