Voilà qui augure d'un hiver chaud en Islande. Olafur Ragnar Grimsson, le président de l'île en crise, vient, à la mi-journée, de mettre son veto à une loi péniblement adoptée par le parlement de Reykjavik. Une décision présidentielle qui va à la fois diviser un peu plus la société islandaise, compliquer la sortie de crise et rendre plus incertaine la marche de l'Islande vers une possible adhésion à l'UE.
Résumons: lorsque la tempête financière partie des Etats-Unis s'abat sur l'île, en octobre 2008, plus de 320 000 épargnants britanniques et néerlandais font partie des victimes de l'effondrement du secteur bancaire de l'île. Ces braves gens (aussi nombreux que la population islandaise!) avaient commis l'erreur de croire aux promesses de rendement juteux brandies par Icesave. Il s'agit d'une filiale en ligne de Landsbanki (photo), une des trois grosses banques de l'île dirigées par des hommes d'affaires aussi intrépides que sourds aux avertissements venus de l'étranger quant aux risques d'éclatement de la bulle qu'ils avaient créée (lire mon analyse dans Politique internationale).
Les gouvernements britannique et néerlandais se sont alors faits fort de réclamer à Reykjavik des compensations pour leurs citoyens floués. Le nouveau gouvernement islandais, issu des urnes en avril 2009, n'a guère d'autre choix que d'accepter la solution proposée par Londres et La Haye. Car, dans le cas contraire, ces capitales menacent implicitement de bloquer la candidature de l'Islande à l'UE. Quant au FMI, il soumet le versement de tranches du prêt accordé à l'île à l'acceptation de cette solution financière.
Le hic, c'est que pour beaucoup d'îliens, la potion est trop amère. L'Islande, en acceptant la loi Icesave, s'engage à payer d'ici 2024 environ 3,8 milliards d'euros. Soit près de 40% du PIB annuel de ce petit pays fortement touché par la crise. D'où la mobilisation des opposants à la loi, qu'ils rebaptisent "Iceslave" (jeu de mots entre Icesave et slave, esclave en anglais). Quelque 60 000 personnes, soit un quart des électeurs islandais, demandent alors au président de la république de mettre son véto au projet de loi, péniblement adopté par le parlement le 30 décembre.
Le pouvoir de promulguer les lois est l'une des seules prérogatives concrètes du président, d'après la Constitution. En général, il (ou elle) ne se fait jamais prier. Mais en son "palais" présidentiel (photo), Olafur, comme l'appellent ses concitoyens, a bien des choses à se faire pardonner. Avant la crise, cet ancien militant de gauche (en fonction depuis 1996) a paradé aux côtés des "nouveaux Vikings", ces hommes d'affaires ultralibéraux ayant grandement contribué à la faillite du pays. Sa cote de popularité étant au plus bas, il voit dans le rejet de la loi Icesave une occasion idéale de se refaire une virginité en surfant le mécontentement populaire qu'elle suscite.
Ainsi décide-t-il de dire stop!
Avec pour conséquence de placer le gouvernement de Reykjavik en porte-à-faux vis-à-vis des créanciers de l'Islande et de l'UE. Et d'approfondir les divisions sur l'île, partagée entre le besoin de s'ancrer à l'Europe et à sa monnaie, et l'amertume causée par les coupes budgétaires draconiennes résultant des prêts accordés par l'étranger. Comme l'écrit Gérard Lemarquis dans Le Monde daté du 5 janvier, "l'affaire Icesave est un psychodrame national par lequel les Islandais peuvent exorciser la crise et retrouver un semblant de dignité dans un rejet des responsabilités sur les Britanniques et les Néerlandais".
Voilà donc qui augure d'un hiver chaud en Islande, avec la tenue désormais très probable d'un référendum national sur la loi Icesave, rendu possible par le veto mis par un président en quête de popularité.
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