vendredi 9 juillet 2010

A l'abri des remparts de Gotland

Je reviens de Gotland. L'île suédoise est à moins de 200 km du littoral letton. Une compagnie aérienne assure une liaison directe depuis Riga durant l'été. Promenade au pied des remparts qui, sur 3,5 km, enserrent Visby, la "capitale" de l'île. Dès qu'on franchit les murs pour entrer dans les quartiers médiévaux, la température monte. Au sens propre - l'air du large a du mal à rafraîchir l'atmosphère dans les ruelles - comme au figuré: lors de mon séjour se tenait à Visby le principal rendez-vous politique suédois de l'année, hors de Stockholm. La "semaine d'Almedalen" (du nom d'un parc dans la partie basse de la ville) était particulièrement chaude en cet été préélectoral. Chaque parti tenait à démontrer combien il était éminemment important de voter pour ses représentants le 19 septembre prochain. En cheminant dans une foule compacte, je m'essayais à un petit jeu: deviner à l'allure des gens ceux qui appartenaient au camp des politiques, à celui des médias (700 journalistes accrédités) ou à celui des lobbyistes, de plus en plus nombreux été après été. Conclusion hâtive: tout ce petit monde a une fâcheuse tendance à se ressembler...
Gotland est aussi d'actualité pour une autre raison, moins évidente.
Depuis le 1er juillet, les jeunes Suédois n'ont plus à se soucier du service militaire. Il a été supprimé. Certes, ils n'étaient plus nombreux ces derniers temps à partir sous les drapeaux. Quelque 7 000 l'an dernier, contre plus de 50 000 à la fin des années 1960. Mais c'est tout de même une institution suédoise qui disparaît, comme je le raconte dans le quotidien suisse Le Temps.
Or la décision de faire appel à la population masculine pour défendre le pays fut prise pour éviter que ne se reproduise la mésaventure arrivée à Gotland en 1808: en dépit des remparts de Visby, l'armée tsariste réussit à prendre pied sur l'île et à envahir la place forte. L'occupation dura un mois, le temps pour la Russie de négocier en position de force un traité qui fit passer dans sa besace le grand-duché de Finlande, sous contrôle suédois depuis six siècles.
Une fois l'ennemi russe reparti de l'île, la cour de Stockholm décida de mobiliser quelque 7 000 Gotlandais âgés de 15 à 50 ans, de les équiper et de les entraîner au combat. Puis à partir 1812, on donna à tous les jeunes hommes valides du pays une formation militaire de douze jours. Au fil du temps, sa durée s'allongea. Et à partir de 1901, un service militaire obligatoire fut instauré dans sa forme contemporaine (à gauche, un appelé pas vraiment comme les autres, Göran Persson, premier ministre de 1996 à 2006). Tant mieux pour eux, les appelés n'eurent pas à connaître l'odeur de la poudre autrement que lors de manoeuvres. La neutralité officielle de la Suède et les entailles à ce principe durant la 2e guerre, ainsi qu'une dose de chance, les préservèrent des combats "pour de vrai". A partir du mois de juillet 2010, c'est une armée de métier qui assurera le boulot.
Cela dit, l'évolution incertaine de la Russie (va-t-elle ou non remiser définitivement toute ambition territoriale?) a incité un des membres de la coalition gouvernementale au pouvoir à Stockholm à exiger plus de vigilance. Pour le parti libéral, il est irresponsable de baisser la garde. Et cette petite formation politique d'appeler, entre autres, à la renaissance du régiment de Gotland, démantelé depuis une demi-douzaine d'années. Elle a en tête, en particulier, la construction en cours du gazoduc sous-marin Nord Stream devant relier les environs de Saint-Pétersbourg au nord de l'Allemagne pour le compte d'un consortium dirigé par le géant russe Gazprom. Les tuyaux passeront non loin de Gotland (plan ci-dessous, trouvé sur le site de la compagnie). Pour certains experts suédois, il est plus que probable que l'Etat russe veillera au grain de très très (trop?) près. L'oeil de Moscou serait alors juste aux portes de Visby.

3 commentaires:

  1. Superbe cette île de Gotland! Je ne sais pas si vous avez eu le temps d'aller en-dehors de Visby mais par exemple, l'île de Faro au nord est extrêmement sauvage! En tout cas, ça vaut le détour comme un célèbre guide le préconise souvent :)

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  2. Je me suis baladé en voiture sur l'île de Gotland, et notamment dans sa partie Sud. Fårö, je me la garde pour un prochain reportage, j'espère dès cet été. Si j'y vais, j'en parlerai ici bien sûr, avec photos à l'appui. A quelle occasion y êtes-vous allé?

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  3. En weekend prolongé alors que j´étudiais à Jönköping; j´avais pas mal vadrouillé en Suède

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