Dancing queen, chantait ABBA en son temps. "Dancing policeman!", s'esclaffaient les touristes étrangers qui passaient l'autre jour sur la grand-place de Malmö, Stortorget. Un policier qui danse, oui. Et pas n'importe quel policier sur n'importe quelle danse. Non, un beau gars en uniforme, avec tout l'attirail et une barbe de trois jours à la Village People, qui se déhanchait lascivement (ou presque, les godillots n'aident pas vraiment) sur un beat à la mode.
Bigre. Voilà qui plaira à ces Finlandais toujours prompts à se moquer des policiers suédois, qu'ils considèrent comme les moins sérieux et les moins machos de la planète (à chacun son Belge).
Grande sera leur déception lorsqu'ils apprendront que le policier n'en était pas un et que son moment de folie n'était en fait qu'un happening organisé par la Malmö Konsthall dans le cadre d'un projet artistique inspiré d'un polar.
En 1969, Maj Sjöwall et Per Wahlöö, les créateurs du célébre commissaire Martin Beck, avaient envoyé leur antihéros à Malmö, dans le sud du royaume, résoudre le meurtre d'un patron de la grande industrie. Ce roman s'appelait Polis, polis, potatismos!, soit Policier, policier, purée de pommes de terre!... Le livre sera traduit en français sous le titre plus sobre de Meurtre au Savoy. Le 7e d'une série de dix polars qui, sans vraiment révolutionner le genre, a fait sauter le mythe d'une Suède au-dessus de tout soupçon, bien avant les aventures de Kurt Wallander (par Henning Mankell) et la trilogie Millenium de Stieg Larsson.
La Malmö Konsthall avait donc invité 15 artistes, en juillet, à se plonger dans le roman-purée pour le réinterpréter à leur manière en divers emplacements de la ville jouant un rôle dans le récit. Les initiateurs voulaient faire de Polis, polis, potatismos une "exposition sur un crime". Avec l'idée de confronter le public avec des oeuvres censées "refléter le rôle des policiers de l'époque et de nos jours, ainsi que le rôle des médias dans la société".
Le rôle des médias - sans parler de celui des policiers - est parfois discutable, je vous l'accorde. Quoi qu'il en soit, grâce à Youtube, la vidéo du policier qui danse a fait le tour du monde. A tel point que la direction de la police de la région de Malmö s'est fendue d'un communiqué pour préciser ne rien à voir avec cette histoire. "Le policier danseur est de l'art", clame-t-elle.
Dommage. Imaginons qu'elle nous ait dit: "Le policier danseur est un vrai policier". Avouez que cela aurait eu plus d'allure. Voilà qui aurait pu aussi contribuer à redonner au snut (le flic en argot de là-bas) un peu de la sympathie dont il jouissait avant que la société suédoise ne se dérègle, avant que le crime ne se banalise, avant que... Mais tout ça, c'est la faute aux auteurs de polars!
N.B.: le 29 septembre à Paris, Maj Sjöwall participera à une soirée consacrée au personnage Martin Beck à l'Institut suédois.
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