Juillet-août, c'est la saison de la célébration des cimetières pour les catholiques. Non pas que la Toussaint n'ait pas cours en Lettonie. Mais pourquoi faudrait-il priver les morts d'une petite visite dans la clarté de l'été? Et puis ce ne sont pas les tâches qui manquent. Nettoyer la tombe des parents ou des grands-parents, déblayer les brindilles tombées des tilleuls, épousseter les marbres vieillis, décrocher la mousse, arroser les fleurs avec l'eau du puits, ...
La date a été fixée en accord avec le prêtre, qui va de hameau en village. Il arrive en fin de matinée dans le cimetière où je me trouve, tandis qu'une bonne partie du ménage a déjà été fait sur ce flanc de coteau. Commence alors une cérémonie sans façons, au cours de laquelle l'homme en soutane devise sur l'année écoulée et invite au recueillement. Depuis l'été précédent, le cimetière s'est immanquablement peuplé de quelques pensionnaires supplémentaires. Tout le monde n'écoute pas les propos du curé relayés par un amplificateur de poche. Des petits groupes se sont formés à l'ombre, et l'on discute à voix basse.
Vient le moment de la procession. Précédé par un Christ en croix porté à bout de bras par le bedeau, l'homme en blanc et pourpre montre le chemin. La petite foule le suit, à son rythme. On piétine, la poussière s'élève dans les rayons de lumière qui tombent à travers les branches, on dirait une image pieuse.
Quatre mini-chapelles dressées sur des tables à napperon marquent chaque coin du cimetière. Le prêtre s'y arrête et les bénit.
Puis le curé de campagne rejoint le monticule naturel qui domine le lieu en son centre. Re-sermon, tout le monde debout à l'exception des plus anciens. Les mains jointes, on s'observe sous cape, l'air de rien. C'est fini. Les familles (les clans?) rejoignent les voitures tapies dans l'ombre, de l'autre côté du grillage. Les discussions s'animent, on lève le hayon pour sortir la bouteille d'eau fraîche. Le curé remballe sa robe et s'éclipse au volant de son van, une autre cérémonie l'attend sans doute.
Attendez, la "fête" est loin d'être terminée. Le plus intéressant commence. Car ce rendez-vous estival est l'occasion idéale de se retrouver en famille. Pour ceux restés au village, souvent les plus âgés, c'est l'assurance de revoir les néo-citadins. Une fois le passage au cimetière terminé, on part pour la maison familiale. Ou à côté, lorsque celle-ci, abandonnée, est devenue invivable. C'est le cas de la famille qui m'a convié cet été. Isolée au milieu d'une forêt tout en verticale, la demeure de la grand-mère n'a pas résisté aux orages. Les orties l’ont sanctuarisée. Il faut les attaquer au bout de bois pour se frayer un chemin et constater l’étendue des dégâts.
Le picnic a lieu à une bonne centaine de mètres de là. On tire les couvertures sur l'herbe. A l'ombre des inévitables pins et bouleaux, on s'échange nouvelles, côtelettes panées et bouteilles de bière ou de kefirs. L'humeur est un peu sabotée par la mauvaise conscience. Que faire de cette bicoque familiale en piteux état, dans laquelle tous ceux qui ont plus de 40 ans ont passé un moment de leur vie? L'année prochaine, il faudrait se rassembler une nouvelle fois pour y mettre le feu, lance l'une des doyennes. Acquiescements murmurés du bout des lèvres, rêveries. On se remonte le moral en avalant une lampée de balsaminiu, un petit balsam, comme il se doit! Et, équipés de grands peignes à réceptacle et de sceaux en plastique, on ratisse les sous-bois pour faire provision de fruits rouges. Il sera bientôt temps de préparer les confitures pour l'hiver.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire