Pour peu qu'on ouvre les oreilles et qu'on mette le décodeur en marche, les présentations faites hier (jeudi) matin par quelques banquiers et économistes "distingués" valaient le déplacement. Où donc? Au Forum économique balte, qui se tient à Riga ces 23 et 24 septembre.
A priori, le thème n'était pas des plus affriolants - "la gouvernance d'entreprise comme moteur de la compétitivité balte" - mais, chers lecteurs, ne fuyez pas, je vous réserve une petite pépite en guise de conclusion.
Voilà donc qu'après les discours plus ou moins convenus d'un grand banquier suédois (Hans Dalborg, de Nordea), d'un économiste danois de l'OCDE, d'un vice-ministre lituanien de l'économie et de son homologue letton, la parole était donnée à la présidente de la Cour des comptes lettone.
Inguna Sudraba - la Dame d'argent (ce métal se nomme sudrabs en letton) - ne passe pas pour une femme qui a la langue dans sa poche. Elle est d'ailleurs l'une des personnalités les plus populaires en Lettonie, loin devant bon nombre de politiques. Menée au pas de charge, son intervention ce matin-là n'a fait que confirmer sa réputation. Elle énuméra une série de dysfonctionnements de l'Etat letton et d'entreprises publiques, de dépenses superflues ou mal réfléchies, d'exemples d'activités non-rentables, etc.
Sourires discrets sur les visages des autres intervenants... Mme Sudraba ne faisait qu'illustrer concrètement ce qu'il arrive lorsqu'un pays ignore les conseils prodigués par ces messieurs sur une "bonne gouvernance", notamment dans les entreprises publiques (il y en a 83 en Lettonie, dont 70 détenues à 100% par l'Etat).
Du pain béni.
Puis arriva le moment des questions posées par l'assistance, triée sur le volet (représentants de cabinets de consultants et d'audit, ministères, ambassades, banques, médias, etc.). Se leva alors un quadragénaire, Andris Ozols, le directeur de l'Agence d'investissement et de développement letton, dont la mission consiste à attirer les investisseurs étrangers dans le pays balte (une mission compliquée en période de crise).
Visiblement, le discours corrosif de sa compatriote lui était resté en travers de la gorge. Il est vrai que le tableau qu'elle venait de dresser avait de quoi faire fuir des investisseurs potentiels...
Mais plutôt que de faire profil bas, ledit Ozols objecta, micro à la main, qu'au lieu de se répandre de la sorte devant des étrangers, la présidente de la Cour des comptes aurait mieux fait de réserver, entre quatre murs, ses critiques au gouvernement, elle qui était en poste depuis six ans déjà. "Pourquoi là, pourquoi maintenant?", demanda-t-il, comme si Mme Sudruba avait trahi un secret de famille.
Pourquoi là? Peut-être, M. Ozols, parce que la séance de travail était consacrée à la "bonne gouvernance" qui, entre autres, implique la transparence...
Le plus cocasse dans l'histoire est que le nom d'Andris Ozols, un proche de l'un des oligarques lettons (Anairs Slesers, actuel vice-maire de Riga), est cité dans une obscure affaire de pots-de-vin présumés demandés à une entreprise lettone dans le cadre de l'Exposition universelle de Shanghai.
Cela dit, le brûlot lancé par Inguna Sudraba n'est sans doute pas dû au hasard. Elle est citée comme éventuelle premier ministre, si le besoin d'un recours à une personnalité apolitique se faisait ressentir afin de sortir le pays d'une éventuelle impasse après les élections législatives du 2 octobre.
Vu de loin, la vie politique lettone peut paraître ennuyeuse ou sans intérêt. Mais une fois qu'on y plonge le nez...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire