lundi 2 août 2010

Ode à l'été letton (2/3)

La grande fête de l'été reste celle de Jani, notre Saint-Jean à nous, mais puissance 1000 puisque la lumière du solstice d'été a une toute autre importance sous ces latitudes. En Lettonie, on la célèbre invariablement le 24 juin, précédée de sa soeur jumelle (Ligo) le 23, et ce que cela tombe en semaine ou durant le week-end. Ces jours-là, les villes sont désertées. Tout le monde au vert! Couronnes de fleurs et de feuillages, chansons, beaucoup de chansons, idem pour les boissons, et puis les feux qui percent la nuit jusqu'à plus soif. On s'en donne à coeur joie. Les plus "furieux" croient pouvoir chasser les mauvais esprits qui rôdent. Les autres veulent surtout oublier le quotidien, rigoler, boire, faire le pitre au-dessus des braises, plonger dans l'étang voisin, nus face à la nature.
J'y fus donc, du côté de Limbaži, à une bonne heure de route au nord de Riga. Des amis étaient venus d'Estonie, d'autres de Lituanie. Ambiance plutôt tranquille cette année, pas de cavalcades ni d'envolées lyriques, mais une solide envie de profiter du moment.





Gare à celui ou à celle qui s'endort, assis(e) devant le brasier, assommé(e) par quelques vodkas de trop... Car le jour repointe son nez avec la rapidité d'un Lucky Luke.




Un grand classique de l'été nordique et balte donc. Mais j'ai l'impression - sauf votre respect, chers lecteurs suédois - que cette fête a gardé une plus forte authenticité sur le littoral oriental de la Baltique que sur l'occidental. Avant-hier, je parlais d'un vieux fond païen. Durant Jani, cet esprit, on le sent qui plane sur les campagnes hypnotisées.

(Ces 3 photos ne sont pas de moi, une fois n'est pas coutume, mais de l'ami Pierre-Yves qui a suppléé plus qu'avantageusement à l'oubli de mon appareil. Merci à lui.)


* * *

L'embarcation était plutôt large et confortable, d'un beau gris-vert, la copilote lettone, la rivière itou, pas loin de la frontière russe. J'avais rejoint une bande de joyeux drilles qui, cet été, fêtaient leur 10ème descente de rivière en canoë. Oh, ce ne sont pas des excités de la godille... Point de départ à l'aube, mais mise à l'eau sur les coups de 13-14 heures, c'est plus humain. Auparavant, on aura ravivé le feu de bois de la vieille au soir, effacé les éventuels maux de tête en piquant une tête dans l'eau moins vaseuse que ses visiteurs, fait bouillir le café, discuté, lu dans son coin (j'avais emporté Total Khéops d'Izzo), grignoté sous le soleil.




La partie purement "sportive" de l'expédition n'a pas été une épreuve en soi. Du moins pas pour les bras ni pour le dos. Un courant assez fort, alimenté par la fonte des neiges inhabituelles de l'hiver, se chargeait de faire avancer nos esquifs. Les virages étaient parfois délicats à négocier. Impossible de remonter la rivière qui, sous une allure paisible, cachait bien son jeu. Non, le plus dur, ce fut pour le foie...
Au rythme où nous allions, charriés par la rivière, nous aurions pu boucler la virée en une seule journée (au lieu de trois). Que faire pour ralentir? Des pauses bien sûr. Toutes les demi-heures environ, nous agrégions les six embarcations tout en s'arrimant, qui à une branche d'arbre, qui à une touffe de jonc. Comme par enchantement, une bouteille de vodka, de whisky, de vodka-orange ou de whisky-orange apparaissait, émergeant d'une besace embarquée sur l'un ou l'autre des canoës. Des cornichons salés, des rondelles de saucisson, des olives, des biscuits torsadés ou des bouts de fromage circulaient à leur tour, passés de main en main d'un bout à l'autre de ce bar flottant...















C'est dans la bonne humeur que chaque rafiot reprenait sa liberté, en attendant la prochaine tournée. Une main plongée au fil de l'eau pour apaiser les coups de soleil, une autre pour chasser un taon attiré par le fumet que nous devions laisser dans notre sillage.
Imaginez l'état dans lequel nous mettaient les quelques obstacles imposants trouvés sur notre route. Un tronc d'arbre à moitié enfoui sous l'eau? Un amas de branchages obstruant le passage? Nous partions à l'assaut, la scie au poing, en remerciant les castors ou la dernière tempête d'avoir épicé un peu notre périple trop tranquille! Quitte à boire la tasse en cours d'offensive...





Le soir, nous hissions les canoës avant la tombée de la nuit. Le temps de récolter du bois mort en lisière d'une clairière, de lancer le feu pour une soupe ou des saucisses et de monter la tente sous le regard concupiscent d'une foultitude de moustiques. Mes compagnons de virée se lançaient alors dans des chansons du répertoire soviétique qui, pour eux, a gardé un parfum de jeunesse inégalable.

(La fin d'ici peu)


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2 commentaires:

  1. concupiscent : la richesse de notre langue française, on y trouve tout dans un seul mot!

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  2. Il me plaît bien cet adjectif, et pourtant je n'étais pas encore arrivé à le placer sur ce blog. C'est chose faite.

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