De retour de Daugavpils, dans le sud-est de la Lettonie, un saut de 500 km aller-retour pour visiter le nouveau Centre Mark Rothko en vue d'éventuels articles et pour assister à une pièce de théâtre. Méli-mélo historico-linguistique.
Ville d'environ 100 000 habitants, soit un peu moins qu'avant la première guerre mondiale, alors qu'elle s'appelait encore Dvinsk, son nom russe. L'ex-Dünaburg, fondée par l'Ordre de Livonie, était en effet passée dans l'empire tsariste après le premier partage de la Pologne (1772). De nos jours, Daugavpils, deuxième ville de Lettonie (déjà évoquée dans ce blog), est majoritairement peuplée de membres de la "minorité" russophone. Langue le plus souvent entendue à Daugavpils: le russe. Langue le plus souvent lue dans les rues: le letton, seule langue officielle du pays.
Rothko, peintre, né Marcus Yakovlevich Rothkowitz en 1903 dans cette ville. Russe et yiddish parlés à la maison. Père pharmacien, juif peu porté sur la religion avant de renouer avec le judaïsme. Mère née à Saint-Pétersbourg dans une famille parlant russe et allemand. En 1913, celle-ci quitte l'Europe avec le jeune Marcus pour rejoindre son mari, parti en éclaireur aux Etats-Unis. Fin de la période russe du futur artiste.
Musée (ou Centre, les instigateurs ont dû trouver que ça sonnait plus d'aujourd'hui) inauguré le 24 avril 2013 dans la plus pauvre des régions lettones. Installé dans l'ancien arsenal que le tsar Nicolas Ier fit bâtir en bordure du fleuve (la Daugava en letton, la Dvina en russe, la Düna en allemand), dans un bel ensemble fortifié à la Vauban, rive droite, à l'ouest du centre-ville. A l'intérieur du vaste musée, sur deux étages, le gros de la signalisation est en trois langues, letton, russe et anglais, tout comme le site Internet. Parmi les oeuvres présentées, six tableaux originaux - dont deux aplats de couleurs - prêtés par des descendants du peintre américain mort en 1970. Ils seront, assure-t-on, changés tous les trois ans.
Théâtre de Daugavpils (ci-dessus), bâti par un architecte letton, Verners Vitands, et inauguré en 1937, peu avant la fin de la première indépendance de la République de Lettonie. Site Internet essentiellement en letton. Personnel du théâtre aux noms indiquant leur appartenance à la minorité russe du pays (comme Oļegs Šapošņikovs, le directeur), pas toujours à l'aise en letton.
Pièce à l'affiche ce soir-là, dans une salle annexe, Valentīna diena (Le jour de Valentine), "tragi-comédie" écrite par un auteur russe (de Russie), Ivan Viripaev. Fruit de la collaboration entre le théâtre de Daugavpils et l'Académie des arts de Lettonie. Deux élèves de l'Académie ont monté la pièce en guise de diplôme de fin d'études: à la mise en scène, un Russe letton, Georgijs Surkovs; et pour la scénographie, Dace Sloka, une Lettone qui ne parle pas russe (il y a toujours moyen de s'entendre, de se faire comprendre). Trois comédiens professionnels, russophones, jouent le jeu à fond. Trois représentations seulement. Pas de sous-titrage de la pièce en langue lettone: tout en russe, y compris le programme imprimé sur papier format A4 plié en trois. Les moyens du bord.
Mais dis moi, très cher et affuté observateur de la chose linguistique, qu'advient-il du latgalien (a.k.a. Latgaļu volūda) ? Après tout, Daugavpils en est la capitale...
RépondreSupprimerOui, cher Lacitis, j'aurais pu mentionner le latgalien, avec laquelle je me sens des affinités, tout comme le polonais aurait mérité d'être évoqué. L'expression méli-mélo n'en aurait été que plus justifiée!
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