Qui était vraiment l'homme qui a écrit la désormais célèbre trilogie Millenium? Pour avoir donné son interprétation et raconté ses souvenirs dans un livre publié le 13 janvier à Stockholm, Kurdo Baksi, un ami de Stieg Larsson et camarade de lutte contre le racisme en Suède, est aujourd'hui dénoncé par d'autres anciens proches et collègues du défunt. Ainsi que par Eva Gabrielsson, sa compagne de toujours, autour de laquelle la polémique s'était jusqu'alors cristallisée depuis la mort de l'auteur, il y a plus de cinq ans.
Après l'héritage financier généré par les ventes astronomiques des polars, c'est l'héritage intellectuel et amical qui fait l'objet d'une âpre querelle. Kurdo Baksi, un Kurde de Turquie arrivé en Suède en 1980, connaissait sans doute bien Stieg Larsson. Ils ont travaillé ensemble, ils se sont serrés les coudes face à des groupuscules néonazis actifs et parfois dangereux. Avec son magazine Svartvitt (Noirblanc), Kurdo Baksi a maintenu à flot Expo, la revue militant contre l'extrême droite que Larsson avait cofondée. Mais avait-il pour autant une image entière et précise de celui qu'il décrit comme un croisement du dalaï-lama et de Fifi Brindacier? Sur quelle base se fonde-t-il pour affirmer, notamment, que Larsson bidonnait certaines dépêches lorsqu'il travaillait à l'agence de presse suédoise TT? D'autres anciens proches de l'écrivain s'insurgent et crient même, comme Eva Gabrielsson, au "meurtre" post mortem. Bigre.
Sont-ils scandalisés de voir Baksi insulter (par endroits seulement) la mémoire du défunt et vendre des livres sur son nom? Ou bien regrettent-ils d'avoir été pris de cours par la publication de cet ouvrage controversé? Baksi raconte avoir décidé de prendre la plume pour évoquer "son" Stieg, parce que personne d'autre en Suède ne l'avait encore fait. En février 2009, Eva Gabrielsson, notamment, m'avait assuré vouloir donner sa version écrite de l'homme avec lequel elle vécut 32 ans. Rien n'est encore sorti. Le fait que le livre de Kurdo Baksi soit publié chez Nordstedts, l'éditeur suédois de la trilogie Millenium, ne doit la rendre que plus amère. Elle considère cette maison d'édition comme une alliée du frère et du père de l'auteur, avec lesquels elle est encore en bisbille. En décembre dernier, elle a rejeté une offre de ces derniers équivalant à deux millions d'euros pour solde de tout compte.
Le livre de Baksi relance une triste polémique et l'empoisonne. La petite scène antiraciste stockholmoise se divise. Voilà qui doit faire jubiler tous les racistes que compte la Suède, et ils sont plus nombreux que ne l'ont montré jusqu'à présent les élections nationales. Les prochaines législatives auront lieu le 19 septembre.
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