Habiter en Norvège, classée par une agence de l'ONU comme le meilleur pays où vivre au monde, et mourir en anonyme complet. C'est l'histoire décelée par Magasinet, le supplément hebdomadaire d'un quotidien du royaume, Dagbladet. Le 5 octobre dernier en début d'après-midi, un homme tombe tout seul de son vélo dans un quartier d'Oslo. Attaque cardiaque. Lorsque arrive l'ambulance, il est trop tard. "Personne ne savait d'où il venait ni où il allait, ni s'il cherchait quelque chose."
L'homme, la cinquantaine, vêtu simplement, ne porte aucun papier sur lui, juste un peu d'argent et un trousseau de clés. Les journées passent, personne ne se manifeste pour s'inquiéter de son sort. Une des clés du défunt permet à la police de remonter jusqu'à un local. Elle y trouve une enveloppe, avec un nom. Jan Erik Fosshaug. Le mystère est en partie levé. Il s'agit d'un fils unique né à Oslo le 22 août 1946 de parents décédés, sans aucune famille à la ronde, pas même un cousin éloigné. A-t-il fêté son dernier anniversaire tout seul?
Un avis de décès est publié dans le journal. Le jour de la crémation, personne ne vient. Financée par la municipalité, elle a lieu dans la plus stricte intimité, en présence de deux employés des pompes funèbres.
Un journaliste de Magasinet tente alors de reconstituer l'existence du disparu. Après "550 coups de fil" et une quête de plusieurs semaines, il rassemble des bribes de la vie de Jan Erik Fosshaug. L'acte de naissance est découvert dans les archives communales. Père ouvrier en bâtiment, mère au foyer. Tous trois habitaient dans un 26 m²... avec deux autres enfants, des filles issues d'un premier mariage du paternel. Surprise, l'une des demi-soeurs de l'homme à la bicyclette vit encore, mariée, sous un autre nom. Le journal parvient aussi à retrouver un ancien camarade d'école. Il montre une photo de classe. Sans le savoir, lui et Fosshaug habitaient dans le même quartier. Une ancienne connaissance du défunt, un autre solitaire partageant 29 m² avec deux perroquets, ouvre ses portes et ses souvenirs au journaliste. Les contours du disparu se précisent, un grand enfant à l'esprit un peu confus, n'ayant jamais eu de travail, volontiers serviable, alcoolique à ses heures. La ville d'Oslo, alertée sur sa santé fragile, n'aurait rien fait pour mieux le prendre en charge.
Publiée le 26 janvier dans Magasinet sous le titre "L'invisible", l'histoire a rendu l'inconnu plus célèbre qu'il ne l'a jamais été sa vie durant. Ce type de destin est moins extraordinaire qu'on ne le croit en Norvège (comme ailleurs). Selon le journal, dans la capitale d'un des pays les plus riches au monde grâce au pétrole, environ 70 personnes par an sont enterrées de la sorte, en catimini.
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