Et Dieu dans tout ça?
La foi unit, la religion oppose... S'en prendre aux symboles de la chapelle ou de la confession d'en face devient une raison d'être pour diverses minorités d'illuminés. Prenons l'exemple du Danemark.
Particulièrement intéressant, le Danemark. D'un côté, certains traînent les musulmans dans la boue par réflexe défensif, face à un islam mal connu dont le versant fondamentaliste sert de repoussoir. De l'autre, des tenants de ce courant radical fomentent des attentats contre l'auteur danois d'une caricature du Prophète. Ou contre le journal (Jyllands-Posten) qui la publia en 2005, avec d'autres dessins, au nom de la défense de la liberté d'expression (mais non sans arrière-pensées politiques).
Le Christ n'est pas en reste. Alors que l'Eglise catholique danoise est à son tour en butte à des accusations d'agressions sexuelles, alors qu'un pasteur luthérien avouait il y a quelques temps ne pas croire en Dieu créateur du monde, voilà qu'on ressort le crucifix pour le parodier ou s'en moquer.
Depuis ce matin, c'est un Christ en pleine érection qui est exposé au nord de Copenhague. Sous la forme d'un cure-pipe jaune. Pourquoi pas, au point où on en est. L'auteur de cette fantaisie? Uwe Max Jensen, un artiste coutumier de la provocation plus ou moins gratuite. L'étron laissé au fond d'un vase, il y a trois semaines à Louisiana, le musée d'art contemporain au nord de Copenhague, c'est lui. Un "happening" (dixit l'intéressé) dans la lignée de ceux qui émaillèrent les années 70, au Danemark ou ailleurs. Sauf qu'à l'époque, ça avait plus d'allure et de sens.
Avec son Christ bandant, Uwe Max Jensen précise d'ailleurs vouloir rendre hommage à l'un des maîtres scandinaves du genre, Jens Jørgen Thorsen, dont les facéties eurent un écho jusqu'en France. Je me souviens d'articles de presse jaunis sortis d'archives familiales relatant les efforts déployés, dans les années 70, par ce "provo" (titre de sa biographie posthume) pour tourner un film iconoclaste sur la vie du Christ. Il n'y fut pas autorisé. Qu'à cela ne tienne. Les âmes bien pensantes eurent le déplaisir de découvrir, en 1984, un nouveau coup de l'artiste: un Christ au membre raidi (déjà!) peint sur le mur d'une gare ferroviaire près de Copenhague. Après intervention du ministre des transports - et la désapprobation de Jyllands-Posten, alors moins prompt à défendre la liberté d'expression qu'aujourd'hui -, le Christ et son objet furent effacés. Jens Jorgen Thørsen récidiva ici et là, bien sûr (photo).
Auteur en 1970 d'une adaptation cinématographique, très olé-olé pour l'époque, d'un livre d'un autre provocateur, Henry Miller (Jours tranquilles à Clichy), ce touche-à-tout finit par le réaliser, son opus sur Jésus. Il sortit en 1992, avec le financement de l'Institut du film danois. Bien que le héros de Jésus revient s'y amourache d'une terroriste, le film ne choqua ni ne convainquit grand-monde. Il est vrai que La dernière tentation du Christ de Scorsese était entre-temps passée par là.
Thorsen, au demeurant fin connaisseur de l'art moderne et du jazz, est mort trop tôt (il doit consumer quelque part en enfer) pour être témoin de la polémique ayant suivi la publication des caricatures de Mahomet. Quel tableau, quelle oeuvre tout cela lui aurait-il inspiré? Je n'ose l'imaginer. Sans doute quelque chose de plus flamboyant que la sculpture (un corps de chien avec une tête de Mahomet) conçue par un autre trublion scandinave, le Suédois Lars Vilks. Lequel se retrouve à son tour menacé de mort.
Ca fait un peu beaucoup, vous ne trouvez pas? Tout ça pour obéir ou déplaire à Dieu, Allah et consorts.
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