J'ai gardé un souvenir très vague de mon bref passage dans la plaine de la Bekaa. C'était fin 1992 ou début 1993, je ne sais plus bien. La guerre civile avait cessé de miner le Liban mais il était recommandé aux Occidentaux de ne pas traîner dans cette région, en dépit de sa beauté. Si j'y suis tout de même allé, à la fin d'un séjour au Liban pour le compte de l'AFP, c'est que la réputation du lieu était alors plus sulfureuse que la réalité sur place. Les gens qui m'avaient accompagné, fins connaisseurs du pays, voulaient éviter tout risque gratuit. Nous avions marché, entre chien et loup, à travers les ruines de la ville antique de Baalbek, l'ancienne Heliopolis romaine (photo). Je me souviens qu'il était vaguement question de relancer le festival international qui se tenait là jusqu'à la guerre civile (ce qui fut fait plus tard).
Après avoir troqué les suettes orientales pour les claquements de dents septentrionaux, je n'ai quasiment plus entendu parler de la Bekaa, jusqu'à une rencontre avec Jean-Paul Kauffmann. Nous avons fait connais- sance en Lettonie, alors qu'il travaillait à l'écriture de Cour- lande, son livre con- sacré à cette région. Lors d'un long entretien commandé par la revue lettone Rigas Laiks, après la sortie du bouquin, nous avons évoqué, entre autres, le Liban et sa captivité, de mai 1985 à mai 1988 (l'entretien est disponible ici en français).
Ces deux dernières années, niché dans mon coin d'Europe, en haut à droite sur la plupart des cartes du continent, je ne pensais pas que j'aurais de nouveau à parler du Liban dans le cadre du boulot ou sur ce blog. Or voilà que sept Estoniens ont été pris en otage dans la plaine de la Bekaa, le 23 mars, et sont retenus en captivité depuis. Selon la version officielle estonienne, il s'agit de touristes qui étaient partis découvrir le Proche-Orient en vélo. Cela peut paraître incongru, surtout en cette période de troubles dans la région, mais on compte des aventuriers un peu partout et, jusqu'à ce jour, rien (à ma connaissance) ne laisse accroire que ces messieurs étaient là pour faire autre chose que du cyclotourisme.
Toujours est-il qu'après avoir traversé la frontière syro-libanaise en vélo, ils étaient enlevés par des hommes qui, selon certains témoignages, les auraient emmenés avec eux en direction de la Syrie. Un groupe méconnu a revendiqué l'opération. Depuis, les sept Estoniens ont refait surface sur Internet. Dans deux vidéos publiées sur youtube et jugées authentiques, ils lancent des appels à l'aide, en particulier, dans la 1ère des deux, en s'adressant au président Sarkozy:
Il faut croire que les autorités françaises oeuvrent en coulisse pour tenter d'obtenir la libération de ces otages. Non seulement l'ambassade de France à Beyrouth héberge des diplomates estoniens, dans un pays où la République balte n'a pas de représentation diplomatique. Mais, selon le Premier ministre estonien, la France leur fournit "toutes sortes d'assistance" et use de son influence dans la région pour obtenir une issue favorable. C'est ce que m'a dit Andrus Ansip, sans plus de détails, lors d'un entretien à paraître cet été dans la revue Politique Internationale.
A sa boutonnière, le chef du gouvernement arborait un ruban jaune (photo ERR), comme un nombre croissant d'Estoniens: un signe de solidarité avec les familles des otages initié par le président de ce pays, Toomas Hendrik Ilves, sur sa page Facebook.
Ici, une Estonienne émigrée aux Etats-Unis vous montre, ciseaux en main, comment confectionner un tel ruban. Elle explique que, pour un pays d'environ 1,2 million d'habitants, sept hommes détenus en otage, c'est beaucoup.
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