"L'Islande attend. Elle attend qu'Eva Joly, venue à son secours, retrouve l'argent caché dans les paradis fiscaux. Elle attend un mieux, un client pour son énergie bon marché, un nouveau prêt du FMI, une éclaircie. Elle n'est sûre que d'une chose : les jours rallongent." Ainsi se termine l'article de Gérard Lemarquis dans Le Monde daté du 12 février (L'Islande, le maelström de la crise).
Les jours rallongent, et c'est tant mieux. Car pour l'étranger de passage à Reykjavik, l'obscurité hivernale reste un phénomène étrange qui peut jouer des tours... Se lever tôt le matin quand on sait que le ciel restera d'encre pendant encore quelques heures exige une certaine discipline (et mieux vaut ne pas écouter cette musique-là au lever du lit...).
Je me souviens d'un rendez-vous pris en janvier 2009 sur les coups de dix heures du matin (photo ci-dessous). Le soleil ne s'était pas encore pointé à l'horizon. Et encore, le ciel était clair ce jour-là. Lorsqu'il est pris sous une chape de nuages, c'est à peine si on aperçoit la rive opposée du fjord et la montagne Esja. La ville est alors encalminée dans une mélasse blafarde.
J'avais donc rendez- vous avec Matthias Halldors- son, le respon- sable de la Direction de la Santé. Le magazine GEO m'avait commandé un article sur comment les Islandais vivent l'obscurité hivernale et sur leurs petites astuces pour la rendre plus supportable. Mes questions étonnaient visiblement mon interlocuteur. "Non, je n'ai jamais pensé à l'obscurité comme un problème"... Ni pour lui-même, ni pour la santé publique.
Ah? Comme je le rappelais dans GEO, la latitude de Reykjavik (64°09 Nord) est pourtant semblable à celle de Nuuk, la "capitale" du Groenland. Le jour du solstice d’hiver, le 21 décembre, le soleil se lève à 11h23 sur la capitale islandaise pour se coucher à 15h30… Sur le littoral septentrional de l’île, qui flirte avec le cercle polaire arctique, la lumière naturelle se fait encore plus discrète. Au cœur de l’hiver, les habitants de certains fjords encaissés ne voient pas le soleil pendant plusieurs semaines. Ambiance fin du monde (ci-dessous à Akureyri).
Se pourrait-il que les Islandais soient faits d’un métal qui résiste à l’absence de clarté? Le mystère s’était épaissi à l’écoute d’Andres Magnusson, l’un des spécialistes mondiaux de la dépression hivernale. Baptisée SAD (seasonal affective disorder) dans le jargon médical, elle se traduit notamment par une fatigue permanente, un manque d’énergie chronique, une irritabilité accrue, une envie de rester à l’écart du monde. "Tout corps humain a son horloge interne. Elle a besoin de lumière pour produire son propre rythme, sinon elle se désynchronise", m'expliqua-t-il devant une assiette de morue avalée à la cantine de l’hôpital de Reykjavik. "Alors bien sûr, il y a des Islandais qui souffrent de ce phénomène. Mais pas plus de 3% d’entre eux présentent tous les symptômes de cette dépression particulière. Environ 20% éprouvent des difficultés, alors que la moitié de la population ne ressent rien."
Plus étonnant encore, le fait que les Islandais ne soient pas davantage sujets à ce type de dépression que des populations vivant sous des latitudes moins élevées, aux Etats-Unis notamment. Plusieurs études réalisées depuis les années 1990 l’attestent. Une autre, effectuée par Andres Magnusson au Canada, montre que les descendants d’Islandais installés à Winnipeg sont moins sensibles au phénomène que les habitants de souche… Existerait-il un gène renforçant la résistance à la dépression hivernale?
Le reste de l'enquête est à lire dans le GEO de mai 2009...
Etonnante cette réaction (et particularité islandaise) par rapport au manque de luminosité, surtout quand on voit le nombre de dépressions que cela engendre en Estonie...
RépondreSupprimerMais, d'un autre cote, y a-t-il egalement la force de l'habitude.
RépondreSupprimerJe souriais recemment en voyant une dame de la Cote d'Azur, ou 1/2 cm de neige avait paralyse la vie locale, declarer que l'hiver avait ete trop long ....
Je l'invite a venir voir aujourd'hui comment c'est a Vilnius (ou hier a Riga) ......
Les Islandais, je vous "rassure", comptent eux aussi des déprimés et des candidats au suicide (une trentaine parviennent à leurs fins chaque année, en moyenne). Mais à ce lugubre palmarès, ils sont loin derrière les Groenlandais et les Finlandais, selon le Comité nordique des statistiques médicales. Reste à voir si ces cas vont se multiplier pour cause de crise économique profonde. J'ai des échos un peu contradictoires sur la question.
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