Je dois avouer un léger embarras. Dans mes souvenirs, je croyais Mindaugas, le seul et unique roi de Lituanie, mort (assassiné) et enterré quelque part dans l'actuelle Biélorussie. Or voilà qu'une initiative de personnalités lettones et lituaniennes tend à démontrer que le souverain, considéré comme le fondateur de la nation lituanienne, a été tué et enseveli à Aglona, bourgade de l'est de la Lettonie contemporaine... Elles viennent d'écrire aux ministères de la culture des deux pays pour suggérer l'érection d'un monument à Aglona, principal lieu de pèlerinage catholique dans les pays baltes, dédié à la mémoire de celui qui, le premier, avait converti ces païens de Lituaniens au catholicisme (il fallut s'y prendre à plusieurs reprises).
L'affaire n'est pas des plus importantes, reconnaissons-le, mais elle m'intrigue - et me permet de reporter à plus tard l'écriture d'un article qui ne m'inspire guère.
J'ai donc rouvert mes livres d'histoire pour m'apercevoir que le cas Mindaugas était plus complexe que je ne le pensais. Car curieusement, les ouvrages que j'ai sous la main évoquent bien son assassinat, en 1263, par un rival, Daumantas, dont il avait semble-t-il volé l'épouse... Mais ils se gardent bien de préciser où eut lieu le sanglant règlement de comptes (deux fils de l'ancien roi y passèrent aussi).
Signée de trois historiens lituaniens, The History of Lithuania before 1795 se contente de souligner que Daumantas aurait agi de concert avec Treniota, neveu de Mindaugas auquel il succéda à la tête de ce qui constituait alors une des puissances émergentes d'Europe. Quant à La Lituanie (par Leonas Treiberis), elle n'apporte pas grand-chose de neuf, si ce n'est que la vendetta inaugura "une période difficile et confuse" jusqu'au règne de Gediminas (photo) à partir de 1316.
Confus, mon esprit l'est aussi en progressant dans cette petite recherche. Le salut passerait-il par Google? Tentons notre chance. Enfer et damnation, le chapitre de Wikipedia consacré à Mindaugas contourne aussi la difficulté (peut-être devrais-je en faire autant?). Assassinat il y eut, aucun doute là-dessus, mais rien sur le lieu. Tout juste lit-on que la victime "fut enterrée avec ses chevaux, conformément à la tradition". Très bien, mais... N'ai-je pas lu un peu plus tôt sur le blog Art et culture de Lituanie (le 18 avril) que, "selon la légende, pour commémorer le règne du roi Mindaugas, ce dernier aurait été enseveli assis sur un trône d'or"? Il faudrait se mettre d'accord. A moins qu'or et chevaux aient cohabité dans cet ultime repos du guerrier. Ladite légende localise cette tombe dans la ville biélorusse de Nowogrodek (alias Navahrudak en biélorusse ou Naugardukas en lituanien).
Retournons dans l'univers sans fond de Google. Tiens, un site internet d'un expert de l'histoire de la Latgale, région lettone où se trouve Aglona. Lui a la bonne idée de préciser qu'un doute subsiste entre deux localités (Aglona et Nowogrodek). Mais il penche en faveur de la première en citant un chroniqueur du début du 17e siècle. Celui-ci aurait trouvé sur place une plaque en marbre endommagée portant une inscription latine attestant de la présence en ce lieu des restes de feu Mindaugas (ce qui, entre nous, ne garantit pas pour autant qu'il ait été tué au même endroit, mais ne coupons pas les cheveux en quatre, les lecteurs arrivés jusqu'ici risquent d'aller voir ailleurs...). Pour apporter plus de poids à son argumentaire, l'expert ajoute que de vieux habitants d'Aglona avaient coutume de parler des ruines d'une "tour du roi" située dans le cimetière. Cela dit, peut-on faire entièrement confiance à cette source, qui fait remonter l'assassinat de Mindaugas à 1268, et non à 1263 comme lu partout ailleurs? Simple coquille, sans doute, personne n'est à l'abri. Mais restons sur nos gardes.
Que faire de tout ça?
On peut sourire en pensant que l'histoire ancienne comporte des zones d'ombre non dénuées de charme. Ou s'amuser des tentatives des uns et des autres de profiter de ce flou pour ramener la couverture à eux. Un monument à Mindaugas à côté de la cathédrale d'Aglona? Voilà qui attirerait encore plus de pèlerins lituaniens dans cette commune lors du plus grand raout catho de la région (suivent une photo prise lors de ma visite le 15 août dernier, et d'autres au pied de ce billet).
On peut aussi suggérer à des archéologues-historiens d'aller mener des recherches approfondies sur le terrain, histoire d'en avoir le coeur net. Pourquoi pas avec des détecteurs de métaux? Mais pour utiliser cet ustensile en Lituanie, il faudra désormais se faire adouber par les autorités. Le parlement vient de voter (le 27 avril) une loi en ce sens pour éviter que des trésors enfouis ne disparaissent dans la besace de malandrins avant de se retrouver, telles ces épées de vikings déterrées en catimini du côté de Klaipeda, sur des sites de vente en ligne.
Bonne nouvelle: l'histoire suscite encore des convoitises! Et permet à des gens comme moi de remettre au lendemain les articles qu'ils auraient pu écrire le jour même.
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